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La dame de l'ombre de l'Elysée quitte la scène

Elle a commencé avec Pompidou et terminera avec Macron : la "doyenne" de l’Elysée, Evelyne Richard, 73 ans, qui, depuis 1969, gère d’une main de fer les déplacements des journalistes qui suivent le président, quitte ses fonctions fin octobre.

Inconnue du grand public, cette dame blonde à l'autorité souriante et inflexible, est célèbre et respectée dans les palais du pouvoir du monde entier. Depuis 48 ans, elle a accompagné des milliers de "VO" (voyages officiels), se battant bec et ongles pour que les médias français puissent couvrir dans les meilleures conditions les périples présidentiels.

Etudiante en droit, elle arrive à l'Elysée en 1969 dans les bagages de Georges Pompidou et reste à son poste sous Giscard d'Estaing.

"En mai 1981", se souvient Pierre Favier, qui couvrait l'Elysée pour l'AFP, "les socialistes se méfient d'elle, ils pensent qu’elle est de droite, se demandent si elle sera loyale au nouveau pouvoir. Cela n'a duré que quelques jours, ils se sont vite rendu compte qu’ils ne savaient pas faire sans elle".

En 2017, infatigable, elle est toujours là. Dès le premier VO d'Emmanuel Macron, elle arpente le sable du désert sur la base de Gao, au Mali.

Elle fait tous les voyages présidentiels deux fois: le "préparatoire" pour repérer les lieux puis le VO lui-même, en cornaquant parfois plus de cent journalistes aux contraintes multiples -transmissions, emplacement des caméras, délais de bouclage- au milieu d'exigences de sécurité draconiennes.

De sa voix inimitable, elle houspille ceux qui entravent sa mission, douaniers chinois tatillons ou journalistes retardataires.

"A la Maison Blanche où elle allée plus de cent fois, on redoutait Evelyne car elle réclamait pour les journalistes français la même place que pour les Américains", se remémore Pierre Favier.

"Evelyne ne sert pas un président mais la présidence. Jacques Chirac l'a faite chevalier de la Légion d'honneur et François Hollande l'élèvera au grade d'officier", se souvient Philippe Goulliaud, qui a couvert l'Elysée pour l'AFP sous Jacques Chirac.

"Elle EST l'Elysée", témoigne Guillaume Bazaille, ex-conseiller presse de Nicolas Sarkozy. "Nous avons apporté des changements mais il fallait s’appuyer sur ce que représente l’Elysée en France et à l'international. Elle en était le pilier. Si la presse travaille dans les meilleures conditions, c'est un meilleur rendu pour les présidents et l’image de la France".

"C’est le symbole de la continuité républicaine", estime Franck Louvrier, l'ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy. "Elle a su s’adapter à l'évolution des médias, de l'ORTF aux réseaux sociaux. Elle a répondu à l’exigence que demande la présidence, car il ne doit y avoir aucun faux pas".

- Motus sur les coulisses -

Quelle n'a pas été la surprise de François Hollande, qui l'avait connue 30 ans plus tôt, de la retrouver à la même place en 2012 ! "Je l’ai rencontrée en 1981-1982, quand j’étais jeune conseiller à l'Elysée, laissée en héritage par le président Giscard d'Estaing", raconte-t-il à l'AFP.

"Elle s'est vite rendue indispensable pour assurer les premiers déplacements de François Mitterrand. Elle est restée 14 ans avec lui, 12 avec Jacques Chirac, 5 avec Nicolas Sarkozy. En 2012, j'ai été ravi de la savoir encore là, prête à poursuivre sa mission. Les présidents pouvaient passer, Evelyne Richard restait, inaltérable et inamovible".

"Elle incarne la continuité de l'Etat. Un voyage présidentiel, c’est la France qui se déplace, la presse y a forcément sa place. Sans elle, les journalistes n'auraient pas pu faire aussi bien leur travail", estime l'ancien président.

"On m'a dit à mon arrivée +Comment? Tu ne connais pas Evelyne Richard ?+", raconte Gaspard Gantzer, son ex-conseiller en communication. "C'est la première personne que je suis allé voir à l'Elysée, dans son bureau couvert de photos avec les présidents français, américains et même la reine d’Angleterre".

Au grand dam des éditeurs, elle refuse de raconter ce qu'elle a vu. "Elle restera très discrète. C'est une grande dame de l’ombre", résume Guillaume Bazaille.

La présidence Macron ne la remplacera pas, les attachés de presse gérant "le fond et la forme". "On maîtrise mieux les deux quand on a une vue d'ensemble. Elle était sur un modèle qui n'existe plus", affirme l'Elysée.

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