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La "Jungle" de Calais vit ses dernières heures: affrontements entre policiers et migrants

La "Jungle" de Calais, le plus grand bidonville de France, vit ses dernières heures avant le début lundi de son évacuation. Un processus qui a démarré dès ce dimanche après-midi avec l'intensification des tournées d'information des migrants, pour les convaincre de partir. En début de soirée, quelques heurts sporadiques ont opposé migrants et policiers.

En début de soirée, les policiers ont lancé des grenades lacrymogènes près de la rocade portuaire et à l'intérieur du campement, où plusieurs dizaines de migrants leur faisaient face, leur jetant quelques pierres. L'une de ces grenades est tombée dans un conteneur à ordures, qui a pris feu. Ce type de heurts est régulier depuis des mois, les migrants tentant d'arrêter les camions en route pour le port, dans lesquels ils espèrent monter pour rejoindre l'Angleterre. Ce dimanche soir, aucun d'entre eux n'avait accédé à cet axe.

A l'issue d'une réunion avec les représentants de différentes communautés présentes dans la "Jungle" ce dimanche, la responsable locale de l'Etat français, Fabienne Buccio, a expliqué que ces derniers étaient "inquiets" parce qu'ils "ont vu arriver des personnes qu'ils ne connaissent pas, qui essaient de manipuler certains d'entre eux un peu plus fragiles" et qu'ils lui ont "demandé" un dispositif de sécurité. "C'est la dernière nuit donc j'espère que tout se passera bien mais nous avons mis un dispositif adapté à cette situation", a-t-elle poursuivi. 


"C'est le dernier jour où on peut les aider"

Sur ce site immense d'une dizaine d'hectares, où s'entassent entre 6.400 et 8.100 personnes selon les comptages, l'évacuation était sur toutes les lèvres ce dimanche, dès la matinée brumeuse et glaciale. Ici, des hommes qui se réchauffent autour d'un brasero sont à l'écoute des derniers conseils des bénévoles - "c'est le dernier jour où on peut les aider", dit l'une d'entre elles. Là, dans son échoppe, Khan, un Afghan, se demande ce qu'il va pouvoir faire de sa marchandise: "vous savez si je pourrai l'emmener?", interroge-t-il, désignant ses palettes d'oeufs et ses cagettes de fruits. Puis, il affirme sans trop y croire vouloir "aller dans la ville d'après, à Paris".

En début d'après-midi, les représentants de plusieurs services de l'Etat ont distribué dans les hébergements en dur du centre d'accueil provisoire (CAP) et du centre Jules-Ferry, des flyers expliquant comment se rendre au hangar d'où partiront lundi les premiers bus à destination des centres d'accueil et d'orientation (CAO) en France. Les migrants recevaient également une bande dessinée détaillant leur parcours après l'arrivée en CAO.


"Il faudra nous forcer pour partir"

"On leur confirme qu'il faut se tenir prêt pour demain", a indiqué Serge Szarzyncki, directeur de la cohésion sociale, en se heurtant au scepticisme de certains, comme Karhazi, un Afghan: "On le sait tout ça. Il faudra nous forcer pour partir. Nous, on veut aller en Grande-Bretagne. Pourquoi n'y a t-il rien de prévu pour les majeurs?".

D'autres maraudes étaient organisées dans la "Jungle" elle-même par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). "On leur explique qu'il faut qu'ils quittent Calais comme des milliers d'autres l'ont fait avant eux, et qui à 70% ont obtenu l'asile", a expliqué Pascal Brice, directeur général de l'Ofpra.

Mohamad, un autre Afghan parti en ville, est déjà convaincu: "Je veux demander l'asile, c'est pour ça que je suis venu à Calais. À Paris il faut dormir sous les ponts. Ici, il y a des associations et ça va vite pour la demande".

La préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio a également rencontré les chefs de communauté du camp dans l'après-midi. "Certains se sont inquiétés et ont demandé un dispositif" de sécurité pendant la nuit, a-t-elle déclaré devant la presse, sans préciser la nature des craintes exprimées. 


"C'est une erreur: une bonne partie des gens reviendront" 

Le travail autour des mineurs isolés, sujet crucial, se poursuivait aussi : 39 ont quitté la "Jungle" pour la Grande-Bretagne ce dimanche, portant le total des transferts à 194 dans la semaine, a indiqué à l'AFP Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile. Sur ce total, "141 ont pu bénéficier de la réunification familiale et 53, des jeunes filles exclusivement, ont été transférés samedi au titre de la vulnérabilité", a-t-il détaillé.

Devant le hangar d'où partiront les migrants par autocar lundi, des barrières délimitent déjà les 4 files d'attente prévues pour les différents publics (hommes seuls, familles, vulnérables...). Des voitures de la sécurité civile entraient à intervalles réguliers dans le périmètre, situé à 300 m de l'entrée la plus proche du campement, dans la zone industrielle coincée entre la ville et la rocade.

"Le gouvernement rêve qu'en détruisant, cela va régler le problème migratoire, mais c'est une erreur : une bonne partie des gens qui vont partir reviendront, sans compter qu'il y a toujours de nouveaux arrivants, environ 30 par jour", affirme pourtant François Guennoc, vice-président de l'Auberge des migrants, sceptique vis-à-vis de l'opération.

Dans un courrier adressé aux associations, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et la ministre du Logement Emmanuelle Cosse ont tenté de rassurer, réaffirmant qu'une "proposition de mise à l'abri sera faite à chaque migrant" et que "si les forces de l'ordre seront naturellement présentes (...), leur mission première sera d'assurer la sécurité de tous".

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