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La surveillance vidéo permanante d'Abdeslam va-t-elle cesser? Les juges ont enfin tranché

La surveillance vidéo permanente de Salah Abdeslam est-elle disproportionnée ? Le Conseil d'État a jugé jeudi que non et rejeté la requête du seul membre des commandos jihadistes du 13 novembre encore en vie, qui demandait sa suspension au nom de sa "vie privée".

"Ni la loi autorisant cette vidéosurveillance, ni son application au requérant ne (portent) une atteinte excessive à la vie privée de l'intéressé", a estimé la plus haute juridiction administrative. Deux jours après une nouvelle attaque jihadiste en France, l'assassinat d'un prêtre près de Rouen, les juges des référés ont notamment "relevé que cette mesure se justifiait par le contexte d'attentats terroristes en France et la présomption que le requérant bénéficie du soutien d'une organisation terroriste internationale".

Le détenu le plus surveillé de France avait saisi le Conseil d'État pour obtenir la suspension de sa mise sous vidéosurveillance en invoquant une "atteinte grave et manifestement illégale à sa vie privée".


Abdeslam avait fait appel après un premier refus

Débouté de sa demande en première instance par le tribunal administratif de Versailles, il avait fait appel en utilisant une procédure d'urgence et trois juges ont été mobilisés jeudi pour examiner sa requête. Salah Abdeslam, 26 ans, est détenu à l'isolement à Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d'Europe, dans une cellule spécialement aménagée, sous la surveillance ininterrompue de caméras.


Il est placé en détention sous un régime spécifique depuis le 1er jour 

Dès son arrivée en France après son arrestation en Belgique, il avait été placé en détention le 27 avril sous ce régime sans véritable base légale jusqu'à ce que le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, prenne le 9 juin un arrêté étendant l'usage de la vidéosurveillance en prison à des profils comme Abdeslam, et l'applique à ce dernier à partir du 17 juin, pour une durée de trois mois renouvelable.

Par la suite, l'Assemblée nationale a voté le 20 juillet une base légale à la vidéosurveillance en reprenant l'essentiel des éléments de l'arrêté, ce qui pour les avocats prouvait que l'arrêté était juridiquement insuffisant.


"On ne peut pas vivre à 100% sous la surveillance de 'Big Brother'"

"C'est maintenant cette loi qui permet légalement la mesure dont l'intéressé fait l'objet", ont répondu les juges. "On est arrivé à un point de rupture. On ne peut pas vivre à 100% sous la surveillance de 'Big Brother'", avait fait valoir l'avocate d'Abdeslam au Conseil d'État, Claire Waquet, qui soupçonne le ministère de vouloir renouveler le dispositif "tous les trois mois pendant quatre ans, jusqu'à la tenue de son procès".

"Je suis témoin, pour l'avoir visité dix fois, que Salah Abdeslam ne supporte plus cette vidéosurveillance", avait expliqué son autre avocat, Frank Berton. "Je veux qu'il parle et je pense qu'il parlera mais pour l'instant, il a fait voeu de silence", constate-t-il en liant son attitude à "cette vidéosurveillance dont il ne veut plus".


Pour les juges, le caractère exceptionnel des faits terroristes justifient l'atteinte au respect de la vie privée

Sur l'atteinte au droit au respect de la vie privée, les juges ont estimé que "le caractère exceptionnel des faits terroristes pour lesquels le requérant est poursuivi et la poursuite des attentats en France impliquaient que toutes les précautions soient prises pour éviter son suicide et son évasion".

Revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI), les attentats du 13 novembre, les pires de l'histoire de France, avaient fait 130 morts et des centaines de blessés.


Des panneaux opaques dissimulent une partie de la cellule

Les magistrats ont rappelé que la nouvelle loi encadrant le dispositif prévoit une procédure contradictoire, un réexamen régulier de la mesure assorti d'un contrôle médical et un dispositif protégeant l'intimité de la personne (des panneaux opaques au niveau des toilettes et de la douche dissimulent le bas de son corps).

Enfin, les juges ont estimé que les "atteintes" qui auraient été portées, dans la presse, sur la vie privée d'Abdeslam au moyen d'observations effectuées par la vidéosurveillance ne remettaient pas en cause "la légalité du dispositif lui-même".

Une visite à Fleury-Mérogis le 29 juin du député Les Républicains Thierry Solère avait déclenché la colère de l'avocat Frank Berton. L'élu avait eu accès à la salle de vidéosurveillance d'Abdeslam et décrit ce qu'il avait vu dans Le Journal du dimanche, du brossage de dents à la prière du détenu.

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