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Laura Flessel, une ancienne championne de passage en politique

Novice en politique, rattrapée par le fisc, la ministre des Sports Laura Flessel, qui a démissionné mardi, a accompagné les grands succès sportifs français mais son bilan reste inachevé, sur fond de contraintes budgétaires.

"C'était une bonne ambassadrice pour le sport", juge le député Nouvelle Gauche de la Loire Régis Juanico, "mais elle n'avait pas le poids politique ni le soutien nécessaire à Matignon et à l'Elysée pour mener à bien sa mission, notamment face au mur qu'est Bercy", explique-t-il à l'AFP.

Dans un communiqué, la Guadeloupéenne de 46 ans, a mis en avant "des raisons personnelles" et son envie de "retrouver des engagements passés", "tournés vers l'humain, la solidarité et la coopération internationale" pour motiver sa démission inattendue. Mais d'après une source proche du dossier, qui a confirmé des informations de Mediapart et du Canard Enchaîné, ce départ est "lié à sa situation fiscale" et à un contrôle mené sur la société de droits à l'image, Flessel and Co, qu'elle gérait avec son mari jusqu'à son entrée au gouvernement.

Figure du sport français dans les années 90, la "Guêpe" avait remporté l'or à deux reprises aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996. Porte-drapeau de la délégation française aux JO de Londres en 2012, elle devait incarner la société civile dans le premier gouvernement d'Edouard Philippe, formé en mai 2017, et profiter de sa popularité pour s'imposer en politique.

D'autant que le contexte était favorable: quelques mois après sa nomination, en septembre, Paris se voyait attribuer l'organisation des Jeux olympiques de 2024, une première depuis cent ans, puis la France obtenait le Mondial de rugby 2023. Mieux ! Les Bleus ont remporté la Coupe du monde de football en Russie cet été.

- 80 médailles en 2024 -

Mais en parallèle, l'action et la communication de l'ancienne escrimeuse ont parfois dérouté le mouvement sportif. Ainsi, c'est elle qui a fixé l'objectif très ambitieux -- et jugé carrément déraisonnable par certains-- de remporter 80 médailles lors des JO de Paris-2024, soit près du double de Rio-2016 (42 médailles).

Laura Flessel a surtout dû faire face, dès la rentrée 2017, à un premier budget en baisse de 7%, à 481 millions d'euros. Conséquence, des subventions en baisse sur le terrain où les petits clubs amateurs devaient déjà faire face à la baisse des emplois aidés. Les réductions ont provoqué la grogne, mais fin juillet, devant les sénateurs, la ministre avait maintenu le cap, lançant même que "ce n'est pas le rôle de l'État de financer durablement les clubs".

Du coup, la rentrée s'annonçait encore plus délicate pour la ministre, entre le comité olympique français (CNOSF) brandissant la menace d'une pétition pour les moyens du sport -- finalement mise entre parenthèses mardi -- et un budget qui ne s'annonçait pas à la hausse.

- "Bilan mitigé" -

"Par définition, son bilan est mitigé. Rien de ce qu'elle a engagé n'a abouti", tacle l'un de ces prédécesseurs, Jean-François Lamour (2002-2007), même si Laura Flessel a défendu sans problème la loi olympique au Parlement, un texte technique adaptant la législation aux engagements de la France vis-à-vis du Comité international olympique (CIO).

Le principal chantier inachevé restera celui de la réforme du modèle sportif français, dont les fondements remontent à l'époque du général de Gaulle, dans les années 60. Basé sur une tutelle théorique de l'Etat, ce modèle est jugé dépassé par certains.

A l'automne 2017, Laura Flessel avait lancé un travail de concertation avec toutes les parties prenantes, qui a abouti à un consensus en juillet sur la création d'une nouvelle agence du sport où l'Etat, le mouvement sportif et les collectivités territoriales auraient le même poids.

"Elle a été celle qui a osé s'attaquer au modèle sportif français", lui rend hommage le président du CNOSF Denis Masseglia qui en était, avec Laura Flessel, à son dixième ministre des Sports depuis qu'il est à la tête du Comité en 2009.

Dans son agenda de la semaine, Laura Flessel devait se voir remettre officiellement jeudi le rapport issu de la concertation et fixant le schéma de la réforme.

Autre ambition laissée à sa successeure, l'ancienne championne de natation Roxana Maracineanu, la hausse de 3 millions de pratiquants d'activités sportives en France.

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