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Les primaires "citoyennes", une fausse bonne idée ?

Alors que droite et gauche de gouvernement se préparent chacune à organiser leur primaire, retour sur un mode de désignation plébiscité par les Français... mais aussi décrié.

"Les primaires sont en train d’enterrer les partis politiques", lance sans détour Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’institut de sondages IFOP. Selon lui, le recours à des primaires citoyennes signe le déclin des partis politiques, dépossédés de leur "prérogative majeur", à savoir le choix du candidat à l’élection présidentielle.

Initiées en 2011 par le Parti socialiste, les primaires "citoyennes" permettent aux sympathisants d’un parti politique de choisir, à travers un vote, leur candidat à l’élection présidentielle. Véritable révolution en France où le candidat à l’élection suprême était le choix indiscutable de l’état major d’un parti, le recours aux primaires est aujourd’hui plébiscité.

Et pour cause: à l’heure où le sentiment de défiance des citoyens envers leurs élus n’a jamais été aussi élevé – 81% des personnes interrogées lors de la dernière enquête Cevipof éprouvent des "sentiments négatifs" envers les élus - beaucoup voient dans ce type de consultation une façon de renouer le dialogue.

Pourtant, pour Frédéric Dabi, la portée de ces primaires reste à relativiser: "en réalité, ce sont surtout les adhérents qui vont voter... Au final, les primaires ne touchent qu’une petite partie de la population", tranche-t-il. Et les chiffres confirment cette tendance. En 2011, la primaire socialiste avait rassemblé 2,7 millions (au premier tour). Un succès indéniable pour le Parti socialiste mais somme toute modeste si on ramène ce chiffre aux quelque 43 millions de Français inscrits sur les listes électorales…

Qui plus est, le caractère "ouvert" des primaires est lui aussi discutable. Du côté du parti Les Républicains par exemple, les conditions requises en font un vrai parcours du combattant. Les prétendants doivent ainsi réunir le parrainage de 250 élus sur 30 départements, dont 20 parlementaires, et de 2.500 adhérents. Un tel système permet-il l’émergence d’un outsider ? Plusieurs "petits candidats", dont Nathalie Kosciusko-Morizet, ont souligné la difficulté de passer ce cap. Et certains, comme le gaulliste, Henri Guaino, contestent le principe même d'une primaire tout en estimant ne pas pouvoir y échapper, s'ils veulent peser.

- Surenchère politique et médiatique -

Symbole d'ouverture et de transparence, les primaires génèrent aussi des effets pervers. A droite, les prétendants se livrent à une véritable course à l'échalote afin de déterminer qui sera le plus libéral. François Fillon propose de réaliser quelque 110 milliards d'euros d’économies, Alain Juppé 100 milliards...

Autre effet "indésirable" induit par la primaire, le nombre croissant de candidats à l'investiture. A droite comme à gauche, ils se bousculent au portillon. Un phénomène qui, selon le politologue Stéphane Rozès, s'explique par la volonté des candidats de vouloir "exister" médiatiquement: "Certains savent qu’ils n’ont aucune chance de devenir président. Mais, en se présentant, ils espèrent gagner en visibilité. C’est stratégique !", décrypte-t-il.

Frédéric Dabi va plus loin: selon lui, les candidats à la primaire espèrent, en fonction de leurs scores, "peser" dans l’équipe du gagnant. "Regardez Arnaud Montebourg, il était arrivé troisième et est devenu ministre une fois François Hollande élu. De même pour Manuel Valls. N’était-il pas le directeur de campagne de Hollande ? Les primaires sont une façon de se positionner", conclut-il.

Pour Nicolas Dupont-Aignan, président du parti souverainiste Debout la France, les primaires défavorisent les petits partis car "les deux camps vont saturer l’espace médiatique".

Si l’argument est battu en brèche par Stéphane Rozès, pour qui "les petits candidats ont aussi un accès privilégié aux médias", force est de constater que les candidats aux primaires sont très présents dans les médias. A coup d’ouvrages et de tribunes dans la presse, ils défendent leurs propositions... Sans oublier le coup de projecteur médiatique que vont donner, comme en 2011 à gauche, les trois débats télévisés visant à départager les candidats.

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