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Les réalisatrices françaises à l'heure de #MeToo

Plus de six mois après l'éclosion de l'affaire Weinstein et des mouvements #MeToo et Time's Up, qu'est-ce qui a changé dans le cinéma pour les réalisatrices françaises? Traveling arrière à l'occasion du festival du film français Colcoa à Los Angeles.

Pour Elsa Diringer, dont le premier long-métrage "Luna" est au programme du festival qui s'ouvre lundi pour une semaine, le mouvement #MeToo "va accentuer une prise de conscience" sur le traitement des femmes dans le septième art.

Depuis l'affaire Weinstein, le producteur accusé de harcèlement ou agressions sexuelles par une centaine de femmes, "les hommes rasent un peu les murs", constatent les réalisatrices interrogées par l'AFP.

Elise Girard, auteure-réalisatrice de "Drôles d'oiseaux" et "Belleville-Tokyo", observe qu'"autant aux Etats-Unis il y a eu une véritable purge, énormément de gens écartés, autant en France on n'a pas découvert de Weinstein, personne n'a donné de nom".

Marie Garel-Weiss, dont le premier film "La fête est finie" sera également projeté lors d'un Colcoa à la programmation particulièrement féminine cette année, s'inquiète d'une "chasse aux sorcières".

Elle estime que "le plus dangereux, c'est quand les gens n'osent plus échanger. Les changements doivent se faire avec une parole libre entre hommes et femmes", dans un monde où les femmes réalisatrices peinent encore à se faire une place parmi leurs homologues masculins.

Ainsi en France, les femmes réalisatrices n'ont signé que 23% des films sortis en salles, selon les derniers chiffres du Centre national de la Cinématographie (CNC). Un chiffre qui peut sembler très bas. Les Etats-Unis sont pourtant loin derrière: les femmes n'y mettent en scène que 4 à 10% des 100 principaux films, selon les études.

- Des quotas? -

Le CNC se veut attentif au problème et revendiquait dans son étude la parité l'an dernier entre hommes et femmes dans ses commissions de lecture, qui donnent un avis déterminant pour l'octroi des financements (la fameuse avance sur recette).

Quant à la Femis, la prestigieuse école de cinéma, elle applique aussi des principes de parité dans sa sélection depuis des nombreuses années.

Elsa Diringer remarque que le système des commissions de financement tend à favoriser "l'ancienneté" et donc proportionnellement les hommes: "pas forcément par sexisme, c'est juste qu'ils ont déjà fait leurs preuves et qu'on va donner plus facilement de l'argent à (André) Téchiné qu'à une jeune cinéaste inconnue".

D'autres inégalités persistent aussi: le budget des films féminins était l'an dernier en moyenne de 3,47 millions d'euros contre 5,51 millions pour un homme, soit un écart de 62%. "Cela se ressent sur le résultat" à l'image, remarque Marie Garel-Weiss.

Quant au salaire moyen d'une réalisatrice française, il est inférieur de 42% à celui de son homologue masculin, selon le CNC.

Les réalisatrices sont moins représentées à Cannes où les sélectionneurs sont essentiellement des hommes: seules trois femmes sur 18 seront en lice pour la Palme d'Or cette année.

Pour faire avancer les choses plus vite, l'anonymat des scénarios soumis aux commissions d'aides ou des quotas de parité dans l'octroi des financements publics sont sérieusement discutés dans le septième art.

Elise Girard estime que "ce serait bien dans un premier temps pour rétablir les choses, puisque l'équilibre ne se fait pas naturellement. Ca se fait en politique, pourquoi pas ailleurs?"

Les cinéastes sont aussi attentives à ne pas reproduire les clichés lorsqu'elles écrivent un scénario: "on a du mal à voir des femmes dans certains rôles dévolus aux hommes alors je me pose la question quand j'écris: +pourquoi pas une femme?+" raconte Elsa Diringer.

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