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Les stages de l'ENA, petites tranches d'Histoire de France

Décolonisation, Mai 68, construction européenne: depuis 1945, les élèves de l'ENA, lorsqu'ils sont en stage de terrain, vivent en direct à un très jeune âge de petites tranches d'Histoire de France qui restent souvent leurs meilleurs souvenirs de scolarité.

En 1968, Daniel Valot a 24 ans. Il est stagiaire de l'ENA à la préfecture de la Réunion.

"Si j'étais resté à Paris, je me serais peut-être retrouvé sur les barricades, qui sait? Mais j'ai été envoyé à la Réunion pour mon premier stage au printemps 1968", raconte M. Valot à l'AFP.

Du coup, ce fils d'ouvrier qui n'avait "jamais commandé personne" s'est retrouvé à représenter l'Etat français chargé du maintien de l'ordre face au réveil des mouvements indépendantistes réunionnais.

Daniel Valot s'en souvient comme si c'était hier. "J'ai dû apprendre vite, l'organisation d'une réunion, l'art du management, d'arriver à un consensus, de mobiliser". Cette épreuve du feu a beaucoup marqué le jeune homme, dont le parcours professionnel dans la haute administration a ensuite bifurqué vers l'industrie pétrolière, et le groupe Technip, qu'il a dirigé pendant huit ans.

Dès la création de l'école en 1945, les stages, créés à l'ENA par le directeur Pierre Racine, devaient permettre d'être aux premières loges de la machine administrative française.

"J'y ai appris beaucoup de choses qui me servent encore aujourd'hui", dit Orianne Duprat-Briou, en stage en 2006 auprès de Jacques Barrot à la Commission européenne: "Le rôle essentiel de la clarté du message à faire passer, l'analyse de l'impact de l'action administrative sur les gens concernés avant toute décision".

"En préfecture, on se retrouvait parfois à faire des choses improbables auxquelles on n'aurait jamais pensé avant", ajoute-t-elle.

- Savoir s'adapter vite -

Un autre ancien de l'ENA se souvient de son passage à la préfecture de Besançon en 1960, où il a été confronté à des cas délicats de jeunes gens qui fuyaient en Suisse pour éviter le service militaire en Algérie. Pire encore, "lorsqu'il fallait annoncer un décès" à la famille d'un jeune appelé, mort en Algérie.

De toutes les générations, les anciens énarques rencontrés par l'AFP mettent en valeur la nécessité d'une certaine abnégation au service de l'Etat.

"Il faut savoir s'adapter vite", résume Alexandre Jevakhoff, qui a fait son premier stage à la mission française des Nations Unies à New York en 1979. "Nous commencions à travailler en cercle européen pour établir des documents diplomatiques communs, pendant six mois cela a été très exaltant. Puis je suis directement passé à la préfecture de Montauban où j'ai été chargé de travailler sur les associations de chasse intercommunales".

Jean-Pierre Hoss, qui a notamment dirigé RMC et la Société française de production (SFP), garde une tendresse particulière pour son stage à la préfecture de Rouen au printemps 1968, où il était chargé de "distribuer les bons de carburants aux industries".

"J'avais 22 ans. Pendant la semaine, mon boulot était d'essayer de faire redémarrer l'économie du pays en grève générale". "Le week-end, je rentrais chez mes parents en banlieue parisienne, où je suivais les événements".

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