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Luxleaks: accord européen pour renforcer la transparence fiscale des multinationales

Moins d'un an après le scandale Luxleaks, les ministres des Finances de l'UE ont adopté mardi un accord pour l'échange automatique d'informations sur les accords fiscaux passés entre Etats et multinationales, un effort de transparence toutefois jugé insuffisant par ses détracteurs.

La divulgation de Luxleaks en novembre 2014 avait profondément terni l'entrée en fonction de Jean-Claude Juncker en tant que nouveau président de la Commission européenne. Il avait mis en effet en lumière un système d'évasion fiscale à grande échelle et particulièrement le rôle joué par certains Etats, comme le Luxembourg, à une époque où M. Juncker était à la fois Premier ministre et ministre des Finances.

Ce dernier avait alors promis une lutte sans merci contre l'opacité fiscale, un combat repris par le Luxembourg qui occupe la présidence tournante de l'UE pendant tout le second semestre 2015.

"Nous avons un accord politique (...) Nous donnons un signal fort", s'est félicité le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, à l'issue d'une réunion avec ses homologues européens à Luxembourg.

"L'Europe montre la voie, c'est une pionnière en la matière", a-t-il estimé, deux jours avant la réunion des grands argentiers de la planète, pour un G20 Finances, à Lima (Pérou).

Cette directive sur l'échange d'informations sur les accords fiscaux ("rescrits fiscaux" dans le jargon financier français, "tax rulings" en anglais) qui permettent aux multinationales d'échapper en partie ou totalement à l'impôt dans les pays européens où elles sont installées, doit entrer en vigueur au 1er janvier 2017.

Elle prévoit une rétroactivité de cinq ans (donc jusqu'au 1er janvier 2012) pour tous les rescrits fiscaux encore valides et de trois ans (donc jusqu'au 1er janvier 2014) pour ceux qui ne sont plus en vigueur. Pour les PME qui génèrent un chiffre d'affaires de moins de 40 millions d'euros annuels, la rétroactivité est extrêmement limitée: elle court jusqu'au 1er avril 2016.

Les ministres des 28 se sont entendus un peu en-deçà de la proposition de la Commission européenne faite en mars qui portait sur dix ans de rétroactivité.

- Compromis "boîteux" -

Le commissaire européen aux Affaires financières Pierre Moscovici a toutefois salué cet accord, intervenu sept mois après la présentation de proposition, d'autant plus que sur les questions fiscales, les décisions doivent être prises à l'unanimité.

"Je n'ai pas le souvenir d'un projet de directive qui soit allé aussi vite, c'est une véritable performance", a-t-il commenté lors d'une conférence de presse.

De son côté le ministre français de Finances, Michel Sapin, a jugé que "l'Union européenne était exemplaire dans la lutte contre l'optimisation fiscale".

Mais de nombreux partis représentés au Parlement européen --qui doit encore se prononcer sur cet accord-- et des ONG se montraient déçus.

"Le compromis des États membres est pour ainsi dire boiteux", a asséné la Française Eva Joly, eurodéputée des Verts. "L’interdiction faite à la Commission d'utiliser les données pour identifier les cas douteux est une erreur. L'arme la plus efficace de la Commission européenne, c'est-à-dire la capacité à mener des enquêtes sur les aides d'État illégales, est en effet bridée", a-t-elle déploré.

L'Allemand Michael Theurer, eurodéputé libéral, a vivement regretté que "la proposition initiale soit dépourvue de sa substance, puisque la Commission est exclue de tous les éléments importants de l'échange automatique d'informations". Elle n'a notamment pas accès aux noms des entreprises.

"Pour être honnête, c'est une évolution extrêmement limitée", a résumé Tove Ryding de l'ONG internationale Eurodad.

"En réalité, le système du secret va continuer. Les administrations fiscales en Europe vont avoir une meilleure idée des accords passés dans d'autres pays en Europe, mais elles ne peuvent pas vraiment les combattre. Le seul mandat politique qu'elles ont c'est d'essayer de faire une offre meilleure que les autres", a-t-elle plaidé.

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