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Manifestations: les forces de l'ordre syndicales "ne sont pas des CRS"

Les forces de l'ordre syndicales, créées au début du 20e siècle pour maintenir la discipline pendant les manifestations ouvrières, "ne sont pas des CRS" équipés pour répondre aux casseurs, explique Stéphane Sirot, historien spécialiste des syndicats, professeur à Cergy-Pontoise.

Question: Comment expliquer les violences intervenues lors des dernières manifestations contre la loi travail?

R: Traditionnellement, on constate des échauffourées dans les manifestations où les jeunes sont partie prenante. En 2006, lors des manifestations contre le CPE, on a pu constater des heurts extrêmement violents entre les forces de l'ordre et des jeunes.

Il y a aussi une radicalisation venue des pays anglo-saxons, avec une frange de jeunes militants prêts à en découdre avec les forces de l'ordre. Enfin, quand un mouvement dure, les manifestations se répètent et les revendications peinent à avancer - et c'est le cas de la loi El Khomri-, cela peut entraîner une radicalisation.

Q: Pour quelle raison les syndicats ont-ils créé des forces de l'ordre internes?

R: Au début du 20e siècle, le climat de tensions sociales était extrêmement élevé et les manifestations étaient sanglantes, avec des morts. A l'époque, il y eut un débat politique pour savoir s'il fallait interdire les manifestations syndicales et ouvrières compte tenu des violences.

En réaction, les syndicats se sont interrogés sur la mise en place de formes de maintien de l'ordre interne, avec la volonté de montrer que le monde ouvrier est capable de s'auto-discipliner pendant les manifestations sans recours à la force publique. A la fin des années 1920, le service d'ordre syndical se professionnalise. Parallèlement, l'Etat met en place des corps de maintien de l'ordre, comme la gendarmerie mobile. Grâce à ces deux éléments, on constate moins de morts pendant les manifestations. Pendant la guerre froide, entre 1947 et 1952, il y a à nouveau beaucoup de manifestations sanglantes, de même qu'en 1968 et dans les années 1970. A partir des années 1980, elle deviennent bon enfant, musicales, festives.

Q: Les forces de l'ordre syndicales peuvent-elles jouer un rôle pour éviter les violences qui interviennent en marge des manifestations contre la loi travail?

R: Le service de l'ordre, celui de la CGT, de FO ou de l'Unef, n'est pas armé, il n'a pas de menottes. Ce ne sont pas des agents mobiles ou des CRS. Ils ne procèdent pas à des interpellations et ne sont pas censés avoir des altercations physiques franches avec des éléments extérieurs à la manifestation. Il y a une forme de duplicité de la part du gouvernement à essayer de se décharger de ces dérapages sur les organisateurs des manifestations.

Les propos tenus par certains responsables politiques sur la responsabilité des syndicats participe du discrédit des organisations syndicales. Le rôle du service de l'ordre syndical est d'abord de maintenir l'ordre interne à la manifestation. Ils ont aussi un rôle d'agents d'accueil au début des manifestations. Chaque service fait en sorte qu'aucun élément extérieur à la manifestation ne s'infiltre à l'intérieur du cortège. Il veille aussi à ce qu'aucun manifestant à l'intérieur du cortège n'aille s'en prendre aux forces de l'ordre. Avant chaque manifestation, des contacts sont pris entre les organisateurs et les pouvoirs publics pour coordonner le parcours et les opérations de maintien de l'ordre.

(Propos recueillis par Bertille OSSEY-WOISARD)

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