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Marion Maréchal-Le Pen invitée par un évêque: trouble dans l'Eglise

L'invitation de la députée FN Marion Maréchal-Le Pen à une université d'été catholique dans le Var, une première, suscite le trouble dans les rangs chrétiens, où certains soulignent l'incompatibilité de la doctrine de ce parti, dédiabolisation ou pas, avec l'Evangile.

La jeune députée frontiste, réputée proche des milieux catholiques traditionalistes, doit participer samedi matin à Plan-d'Aups-Sainte-Baume (Var) à une table ronde intitulée "politique et médias", avec notamment la députée des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer (Les Républicains) et l'ancien député-maire (DVG) d'Ajaccio Simon Renucci.

L'université d'été de la Sainte-Baume est organisée par l'Observatoire sociopolitique (OSP) de Fréjus-Toulon. Elle a été initiée par l'évêque de ce diocèse, Mgr Dominique Rey, figure plutôt conservatrice de l'épiscopat français, très apprécié dans des courants de sensibilité charismatique voire traditionnelle.

Le prélat assume le choix d'inviter Marion Maréchal-Le Pen dont le parti, "qu'on le veuille ou non" dit-il, "fait partie du paysage politique français, surtout dans le sud de la France".

"J'admets qu'il s'agit d'une position novatrice par rapport à une forme d'oukase qui consistait à mettre à distance le parti lepéniste", a-t-il confié au Figaro. "Il ne s'agit pas d'être complaisant, mais c'est l'occasion, au contraire, d'interpeller le FN sur son rapport à l'immigration, sa vision de l'homme et du vivre-ensemble dans une société pluraliste", assure l'évêque.

Signe d'un débat parmi les sensibilités diverses qui traversent l'épiscopat, la Conférence des évêques de France a rappelé que l'université d'été de la Sainte-Baume "n'engage pas l'ensemble des évêques de France". Et elle a tenu à réaffirmer "les valeurs fondamentales de l'Evangile et de la doctrine sociale de l'Eglise: l'accueil de l'étranger, le respect de l'autre, l'attention aux plus fragiles, la solidarité..." La CEF "ne cautionnera jamais un parti politique où toute formation dont les thèses seraient contraires à ces valeurs", a dit à l'AFP son directeur de la communication Vincent Neymon, sans toutefois citer le FN.

Un commentaire inattendu est venu du président du Sénat, Gérard Larcher, qui s'inscrit à droite dans la tradition du christianisme social. "Attaché à la laïcité, et aussi chrétien, d'une autre Eglise certes (protestante, NDLR), je me dis tout simplement: +est-ce que c'est compatible avec les valeurs évangéliques ?+ C'est un sujet que je livre aux évêques et à l'ensemble des chrétiens", a-t-il dit sur RTL.

- 'Majorité stupéfaite' -

Les responsables du journal "catho de gauche" Témoignage chrétien, parmi lesquels l'avocat Jean-Pierre Mignard, proche de François Hollande, sont eux vent debout contre l'initiative de Mgr Rey, estimant qu'elle donne au FN "un brevet de respectabilité au nom d'une conception pervertie de la démocratie".

"Nous appelons les responsables catholiques et les catholiques responsables qui aujourd'hui sont une majorité stupéfaite et muette à rompre le silence, et à s'élever contre cette banalisation dangereuse d'un parti qui fait de la haine de l'étranger son fonds de commerce", ont écrit les responsables de "TC".

Selon eux, l'initiative du diocèse de Fréjus-Toulon "jette une lumière crue sur le glissement vers la droite la plus dure d'une partie du catholicisme français que certains slogans de la Manif pour tous laissaient déjà percevoir". De fait, des études d'opinion semblent confirmer la fin de ce que les sondeurs ont appelé l'"exception catholique" à l'égard de l'extrême droite. A l'été 2013, une étude Paradox Opinion montrait que si les digues tiennent encore du côté des anciennes générations vis-à-vis du FN, "les jeunes catholiques se montrent plus sensibles à son discours" (50% des moins de 35 ans).

Quelques mois plus tard, un sondage Ifop affirmait que 20% des catholiques pratiquants avaient voté FN aux européennes, soit à peine moins que dans l'ensemble de la population.

"Les consignes de vote, les positions figées ne parlent plus à la jeune génération", analyse l'abbé Pierre-Hervé Grosjean, blogueur en vue de la "cathosphère", qui lui-même a organisé une université d'été cette semaine en région parisienne, et n'aurait pas eu d'"opposition de principe" à y accueillir un élu FN.

"Qui est parfaitement en cohérence avec l'Evangile ? Personne. Inviter quelqu'un ce n'est pas canoniser ses idées, c'est vouloir l'interpeller sur sa cohérence, quelle que soit son étiquette partisane", plaide-t-il.

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