Accueil Actu

Marseille: silence, on tourne, mais les cinémas ferment

Marseille, deuxième ville de France, où deux cinémas prisés du centre-ville sont menacés de fermeture, compte moins d'écrans que Montpellier ou Rouen, un paradoxe quand la cité phocéenne attire de plus en plus de tournages sous son soleil.

La ville a vu doubler les jours de tournage entre 2014 et 2015. En 2016, elle a notamment accueilli les longs-métrages "Overdrive" avec Scott Eastwood, le chinois "Shanghaï Express" de Song Xiao et une kyrielle de séries TV comme "Caïn", "La stagiaire" ou bien sûr "Marseille" produite par Netflix. "Plus belle la vie", qui empile les épisodes sans relâche depuis 13 ans, constitue quant à elle "un vivier d'emplois pour la ville, un exemple de délocalisation", selon son producteur Hubert Besson.

Mais, en regard, la cité phocéenne dénombre moins de 40 salles de cinéma (pour 8 établissements) accessibles en transports en commun, contre près de 100 à Lyon (16 cinémas), la 3e ville de France. Le César et les Variétés, seuls cinémas classés "arts et essais" du centre de Marseille, ont été placés en redressement judiciaire le 7 octobre. Le César a même provisoirement mis la clé sous la porte à la mi-novembre, après des mois de loyer impayé. Faute de s'acquitter de la taxe au CNC, ils ont perdu le classement "arts et essai" et seules deux salles éloignées du centre sont encore labellisées ainsi à Marseille.

"Le César et les Variétés sont plus que des cinémas, ils offrent un espace de convivialité et de parole, d'expositions photos, ainsi qu'une équipe expérimentée et passionnée, et un public attaché au lieu", affirme Luc Joulé, réalisateur et directeur de festival, qui se bat pour sauver leurs 8 salles emblématiques. Jean Mizrahi, le PDG d'Ymagis, spécialiste des technologies numériques au cinéma, serait intéressé pour reprendre le César et les Variétés, mais d'autres gérants potentiels sont sur les rangs.

- "La ville la plus filmée après Paris" -

Les cinéphiles espèrent aussi l'ouverture d'un grand cinéma "Artplexe" en haut de la Canebière, avec 850 fauteuils, dont les travaux doivent débuter en 2017 selon la mairie.

Si l'offre en nombre de salles est pauvre, Marseille est en revanche "la ville la plus filmée en France après Paris", se réjouit Serena Zouaghi, chargée de la "Mission cinéma" à la mairie, qui propose aux sociétés de production un service gratuit d'accueil, de repérage, de recrutement de professionnels locaux.

Les atouts de Marseille, en matière de tournages, sont évidents selon Chantal Fischer, directrice générale du fonds de dotation privé Helios Film Fund, ex-responsable cinéma à la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur: "le soleil, la lumière, une grande urbanité et des petits villages, la mer, la montagne, mais aussi un secteur professionnel très construit depuis dix ans, des techniciens vraiment professionnalisés".

"J'ai vraiment vu évoluer la ville au niveau des tournages, avant il fallait bricoler, aujourd'hui on obtient les autorisations rapidement", dit le réalisateur Jacques Malaterre. "Avant il y avait un exode des talents, aujourd'hui Marseille dispose d'un pôle de techniciens énorme. L'équipe technique est à 60% marseillaise, idem pour le casting", assure-t-il.

Pourtant le budget cinéma 2016 de la région Paca n'atteint que 5,5 millions d'euros, contre 10 millions votés par les Hauts-de-France pour 2017 par exemple.

Mme Fischer qui s'est "battue au Conseil régional pour faire augmenter ce budget", déplore l'absence "d'attractivité financière contrairement à d'autres régions qui ont fait un vrai choix politique en la matière".

"Vous avez la chance d'avoir une très belle région et vous attendez que ça vienne", dit Alexandre Arcady, cinéaste amoureux de Marseille, devant une assemblée de cinéastes réunis à la mairie le 10 novembre. "On pourrait doubler le nombre de tournages dans la région avec une aide financière à la hauteur", confie à l'AFP celui qui viendra y tourner pour la troisième fois de sa carrière en 2017, "L'Union sacrée 2".

A Marseille, les retombées économiques de ces divers tournages sont évaluées à 30 millions d'euros en 2015, grâce à l'embauche de personnel, techniciens, aux dépenses en hôtellerie et restauration, ainsi qu'aux 300.000 séjours touristiques induits par le cinéma et la télévision.

"C'est assez contradictoire, en dépit de la communication, du lobbying autour du cinéma à Marseille, qu'on ne puisse tout simplement pas voir les films!", dit Chantal Fischer.

À la une

Sélectionné pour vous