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Mayotte: de moins en moins de profs titulaires, de plus en plus d'élèves

Seul département de France intégralement classé en éducation prioritaire, Mayotte peine à recruter des enseignants: un manque d’attractivité dû à la pauvreté, l'insécurité et l'éloignement, qui expliquent le nombre record de contractuels sur le territoire.

Les contractuels représentent un tiers des enseignants dans le second degré (collèges et lycées), selon le vice-rectorat, contre 7,3% en France métropolitaine.

De moins en moins d’enseignants titulaires et de plus en plus d’élèves... Le 101ème département connaît "des enjeux terrifiants, tant en nombre d'enfants à scolariser que de nombre de constructions", a reconnu George Pau-Langevin, la ministre des Outre-mer, lors d'un point de presse à Mayotte fin août.

Quelque 89.500 élèves seront scolarisés cette année sur l'île, soit près de 40% de la population, un nombre en croissance continue en raison de la forte pression démographique.

Les établissements scolaires accueillent en effet 27.000 écoliers de plus qu'il y a dix ans. Et la moitié de la population a moins de 18 ans. Le ministère des Outre-mer consacre chaque année 10 millions d'euros à la construction scolaire. Alors qu'en 2011 il manquait 600 classes, 200 devaient ouvrir à cette rentrée et 90 encore en 2016.

Mais les enseignants titulaires sont de moins en moins enclins à venir travailler à Mayotte: ils représentaient 72% des professeurs en 2014 et ne sont plus que 67% cette rentrée, avec moins de 50 professeurs agrégés sur tout le territoire, selon le SNES, premier syndicat dans le second degré.

Plusieurs facteurs expliquent cet effritement: l’insécurité, avec une hausse d'un quart des agressions en 2014, des cambriolages répétés, parfois en présence des habitants dans le logement, et la dégradation des conditions de rémunération des fonctionnaires de l’Education nationale selon les syndicats.

- Pas de vivier local d'enseignants -

Un système transitoire, introduit par le décret de 2013, s’achèvera en 2017, et se traduira par les suppressions du retour garanti dans l’académie d’origine et de l’indemnité d’éloignement --remplacée par l’indemnité de "sujétion géographique", financièrement moins avantageuse. Et depuis cette année, l’indemnité d’éloignement est soumise à l'impôt.

Sont également pointés du doigt par les syndicats le coût de la vie, la pauvreté, l’accès limité aux soins ainsi que la difficulté à enseigner sur le territoire. Le niveau scolaire est faible car le français n’est pas la langue maternelle de nombreux Mahorais. "On ne peut pas enseigner à Mayotte comme on enseigne ailleurs", estime Nathalie Costantini, vice-rectrice de l’académie de Mayotte.

Les professeurs titulaires de métropole et de La Réunion rechignent donc à venir enseigner sur l’île, et Mayotte n’a pas encore de vivier local d’enseignants: le premier centre universitaire de l’île n’a ouvert ses portes qu’en 2011.

La part importante de contractuels entraîne "une dégradation des contenus et des enseignements", selon Frédéric Louvier, secrétaire adjoint du SNES de Mayotte, qui évoque sans fard une "éducation au rabais".

"Les enseignants qui viennent sur le territoire sont de plus en plus diplômés" et des bassins de formation de contractuels ont été mis en place, tempère la vice-rectrice.

Pour Marc Diamala, secrétaire académique du syndicat de l’enseignement professionnel SNETAA-FO, "si on ne revient pas sur le décret de 2013, cela ira de mal en pis. Les collègues ne viendront plus".

Une solution a cependant été proposée l’année dernière: un dispositif congé formation à Mayotte permettant aux contractuels qui en font la demande de bénéficier de dix mois de congés rémunérés pour passer les concours en vue d’une titularisation. Aucun enseignant contractuel n’a déposé de dossier en 2014 mais le SNES de Mayotte a bon espoir que cette année, les dossiers affluent.

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