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Mobilisation contre la loi travail: et maintenant?

Mouvement sans précédent sous un pouvoir de gauche, le face-à-face entre le gouvernement et les opposants à la loi travail continue. Quelle est la marge de manœuvre pour l'exécutif? Le front syndical reste-t-il uni? Quel impact pour l'économie française? Qui tire un profit politique de ce conflit?

- Quelle suite du mouvement?

Le prochain rendez-vous dans la rue est fixé au 14 juin avec cette fois une unique manifestation à Paris.

Sur le front des grèves, outre les raffineries, dépôts de carburants, ports et docks, qui pourraient continuer d'être touchés, la semaine prochaine s'annonce mouvementée dans les transports.

A la SNCF, où des négociations sociales décisives sont en cours, l'ensemble des syndicats menacent d'une grève dure reconductible à partir de mardi soir. Le gouvernement et l'entreprise publique, transporteur officiel de l'Euro de football, sont soucieux d'arriver à un accord pour éviter un tel scénario.

A la RATP, la CGT appelle à la "grève illimitée" à partir de jeudi pour la réouverture des négociations salariales annuelles, mais aussi le retrait du projet de loi travail, et SUD à partir du 10 juin, jour du lancement de l'Euro.

Le trafic aérien risque aussi d'être affecté entre vendredi et dimanche prochains, en raison d'un appel à la grève de l'ensemble des syndicats de l'Aviation civile (DGAC), pour des revendications cependant purement internes.

Selon des analystes, si la CGT n'obtient pas gain de cause sur le retrait de la loi travail, elle pourra faire valoir les concessions éventuellement obtenues dans ces secteurs. Comme l'exception à la loi travail accordée par le gouvernement aux routiers sur les heures supplémentaires.

- Quelles conséquences économiques?

Les conséquences sont "limitées", mais pourraient s'aggraver si le mouvement se durcit. Les transporteurs routiers ont été les premiers touchés par les difficultés à s'approvisionner en carburant. Ils peinent du coup à livrer commerces, usines et entreprises, et plusieurs fédérations professionnelles ont tiré la sonnette d'alarme dans les secteurs les plus touchés comme la chimie ou le bâtiment.

Les économistes relativisent toutefois les répercussions des blocages. Le mouvement "aura sans doute un effet sur la croissance" française mais "a priori, il sera limité" car "compensé" par toute une série de données positives, a expliqué à l'AFP Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur-crédit Euler Hermes.

Alexandre Mirlicourtois, du cabinet Xerfi, s'inquiète d'un durcissement du mouvement: "Cela peut amener les ménages à se constituer une espèce d'épargne de précaution en attendant de voir comment cela se dénoue."

- Le front syndical reste-t-il uni ?

Depuis le début de la mobilisation en mars, sept syndicats de salariés et de jeunes, dont la CGT, FO et Solidaires, ont organisé huit journées d'action autour d'un seul mot d'ordre: le retrait du projet de loi.

Lors de son congrès d'avril, la CGT avait haussé le ton contre le gouvernement. Depuis une semaine, elle a accentué la pression avec des mouvements plus durs dans ses bastions, transformant le conflit en un bras de fer entre le Premier ministre Manuel Valls et le numéro un de la CGT Philippe Martinez qui se retrouve en première ligne.

Le premier syndicat français n'est pas pour autant isolé: l'intersyndicale a appelé à amplifier le mouvement d'ici le 14 juin. Même plus discret depuis une semaine, le leader de FO Jean-Claude Mailly reste sur la même ligne, inflexible sur son refus de "l'inversion de la hiérarchie des normes" avec la primauté de l'accord d'entreprise, qui reste la philosophie même de la loi.

Mais, selon des responsables socialistes, il est en contact avec des députés PS. "Mailly ne veut pas être étouffé par la CGT (...) Il cherche à se dégager de là", assure un parlementaire. Vendredi, il a fait une proposition: suspendre les débats parlementaires, pour "sortir" du conflit.

- Un compromis est-il possible sur l'article 2?

C'est l'article au cœur de la contestation, les opposants au texte estimant qu'il risque de créer une course au moins-disant social.

La CGT et FO, notamment, pointent le risque qu'un accord d'entreprise soit moins favorable que l'accord de branche (l'"inversion de la hiérarchie des normes").

Des Hollandais ont ouvert la porte à des évolutions possibles de cet article, sans toutefois en toucher le "principe". Le ministre Michel Sapin a prôné "dialogue" et "négociation avec les organisations syndicales, patronales", citant en premier lieu FO.

Avec l'espoir d'éviter un nouveau 49-3 en nouvelle lecture à l'Assemblée dans un mois, le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux a remis sur la table la proposition du rapporteur Christophe Sirugue -qui n'avait pas été retenue faute d'accord des "frondeurs"- que "la branche donne un avis a priori" et non a posteriori sur l'accord d'entreprise.

Cette piste est "la vraie porte de sortie", affirme un député légitimiste, pour qui il ne peut y avoir de vraie réécriture de l'article sinon "on perd la CFDT".

M. Valls, soutenu par M. Hollande, a d'ailleurs assuré qu'il "peut toujours y avoir tel ou tel élément de précision" mais sans toucher au "cœur" de l'article. Le texte n'a "pas d'intérêt" sinon, selon son entourage.

Malgré cela, relève un membre du gouvernement, "tout peut arriver" autour du projet de loi.

- Qui tire les marrons du feu politiquement?

Alors que l'exécutif atteint des records d'impopularité, six Français sur dix jugent le mouvement contre la loi travail "justifié", selon un sondage récent. Parmi ceux qui défendent la mobilisation, les proportions sont particulièrement importantes aux extrêmes: 88% des sympathisants du Front de gauche soutiennent le mouvement, 78% de ceux du Front national.

Avec des argumentaires différents, les candidats qui les représentent à la présidentielle demandent le retrait du projet de loi.

Très discrète dans les médias ces dernières semaines, Marine Le Pen a vivement critiqué sur son blog jeudi un texte "qui ne ravit que l'UMP". Elle a accusé le gouvernement de "brutaliser les rapports sociaux et agresser les Français".

De son côté, Jean-Luc Mélenchon a défendu les grévistes et notamment la CGT, leur apportant son "affection", son "amitié" et appelant aux dons car "les gens perdent des journées de salaire" en maintenant le mouvement.

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