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Mongolie: victoire écrasante de l'opposition sur fond de morosité économique

Les électeurs mongols ont offert une victoire massive à l'opposition, signe du rejet des politiques du gouvernement actuel dans un contexte de pauvreté endémique et de ralentissement économique, le pays peinant à tirer profit de ses immenses richesses minières.

A l'issue des élections législatives mercredi, le Parti du peuple mongol (PPM), principale formation d'opposition, à remporté 65 des 76 sièges du parlement national, le "grand Khoural", ne laissant que neuf députés au Parti démocrate (PD) actuellement au pouvoir, a annoncé jeudi la commission électorale.

Symbole de la spectaculaire débâcle de son parti, le Premier ministre Chimediin Saikhanbileg a perdu son siège de député du district de Bayanzurkh, dans la capitale, face à un quasi-inconnu.

"J'ai voté pour le PPM, car le Parti démocrate a abusé du pouvoir pour servir ses propres intérêts", explique Magsarjaviin Bold, 46 ans, ouvrier dans la construction à Oulan-Bator. "Ce sont surtout des hommes d'affaires, qui ont intrigué pour renforcer leurs profits".

Enclavée et faiblement peuplée --trois millions d'habitants pour un pays grand comme trois fois la France--, la Mongolie regorge d'abondantes ressources en cuivre, charbon et or, dont l'exploitation l'a propulsée au taux de croissance astronomique de quelque 17% en 2011.

Mais le secteur a cruellement pâti de l'effondrement des cours des matières premières et la croissance a dégringolé jusqu'à 2,3% l'an dernier.

Le ralentissement de l'économie chinoise a également pesé, tout comme la montée des tensions nationalistes, qui ont fait s'enliser des projets d'exploitation, à l'image de l'expansion de la mine géante d'Oyu Tolgoï par l'anglo-australien Rio Tinto --investissement colossal chiffré à 5,3 milliards de dollars.

- 'Mauvaise direction' -

"L'évolution est nette depuis la dernière élection. Les étrangers étaient accusés de ne pas atteindre les objectifs visés à Oyu Tolgoï ou dans (la mine de charbon) de Tavan Tolgoï; désormais on tient les politiciens mongols pour responsables", observe Marissa Smith, spécialiste du pays au De Anza College à San Francisco.

Les élections, organisées cette fois au scrutin majoritaire, ont vu le taux de participation s'élever à 72%, et 13 femmes être élues au Parlement, contre 11 précédemment, en dépit de l'abaissement du quota imposé de candidatures de femmes.

Plus de 60% des Mongols affirmaient avoir le sentiment que leur pays "va dans la mauvaise direction", dans un sondage pré-électoral réalisé par l'International Republican Institute (IRI): une conviction alimentée par leurs inquiétudes sur la corruption et l'incapacité persistante des autorités à transformer en emplois les fabuleuses richesses du sous-sol mongol.

"Les électeurs ont été extrêmement clairs dans les urnes: ils veulent du changement", a souligné Ashleigh Whelan, directeur de l'IRI en Mongolie. Contrôlant le Parlement, "le PPM pourra faire passer tous les textes qu'il veut".

Triomphant, le président du PPM Miyegombiin Enkhbold s'est engagé à remettre le pays sur pied et à "faire de (son) mieux pour résoudre les problèmes économiques et sociaux".

- 'Moins de populisme'? -

Si le PPM était le parti au pouvoir durant l'époque communiste, le PD est à l'inverse celui qui a initié la transition du pays vers l'"oasis de démocratie" qu'il représente aujourd'hui, selon une formule du secrétaire d'Etat américain John Kerry.

Pourtant, beaucoup de Mongols restent circonspects face à l'alternance et ne voient guère de différences entre les deux mouvements, qui ont mené des campagnes quasi-identiques, insistant sur l'importance des créations d'emploi sans fournir de solutions concrètes.

"Nos partis politiques ne possèdent pas vraiment d'idéologies structurantes", remarque Mogi Badral Bontoi, patron de la firme d'intelligence économique Cover Mongolia.

"Les hommes politiques rejoignent un parti non pour les idées qu'il défend, mais pour accroître leur pouvoir et leur influence", ajoute-t-il.

Et d'espérer que le nouveau gouvernement sera "plus concentré sur l'économie" que sur le puissant voisin chinois, et qu'il sera "moins populiste, moins nationaliste, moins protectionniste".

L'alternance est "relativement positive" pour les groupes miniers étrangers, car le PPM devrait poursuivre la récente politique d'ouverture aux investissements internationaux, estime Greg Kwan, du cabinet Economist Intelligence Unit.

Mais certains électeurs du PPM ne l'entendent pas de cette oreille.

"Je ne veux pas que le nouveau gouvernement accepte de vendre nos ressources naturelles à bas prix à des étrangers!", s'étrangle Zagdiin Sesemjav, retraitée de 62 ans. "Ce serait les gaspiller. Les profits doivent revenir aux Mongols".

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