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Mort de Robert Boulin: deux témoins remettent en cause la thèse du suicide

La juge en charge du dossier sur la mort du ministre Robert Boulin, dont le corps avait été retrouvé en 1979 dans la forêt de Rambouillet (Yvelines), a entendu deux témoins qui remettent en cause la thèse du suicide, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.

"L'un de ces témoins, médecin urgentiste qui s'est rendu sur les lieux en premier, a indiqué à la juge que la position du corps n'était pas celle d'une personne noyée par suicide", a expliqué une source proche du dossier, en confirmant une information de France Inter et 20 minutes.

Selon cette même source, ce médecin, aujourd'hui septuagénaire, a constaté que le corps "n'était pas à plat, mais plutôt agenouillé, et qu'il présentait des traces dans le dos pouvant correspondre à celles de coups".

Un deuxième témoin, entendu cet hiver par la juge d’instruction versaillaise, a par ailleurs indiqué avoir croisé Robert Boulin le jour de sa mort, le 29 octobre 1979, à bord d'une Peugeot.

Selon lui, l'ancien ministre occupait la place du passager, et était accompagné de deux hommes, l'un conduisant le véhicule, l'autre à l'arrière.

"Quelques heures avant sa mort, Robert Boulin n'était pas seul dans son véhicule mais accompagné de deux inconnus, dont l'un conduisait. Ces deux personnes ne se sont jamais manifestées auprès de la justice. Robert Boulin n'avait pas de rendez-vous prévu", avait estimé Me Marie Dosé, l'avocat de la fille de l'ancien ministre, Fabienne Boulin-Burgeat, lorsque ce témoignage avait été recueilli une première fois par un journaliste de France Inter en 2013.

"Ce témoin, dont on ne peut révéler l'identité, occupait des fonctions qui laissent à penser qu'il ne peut affabuler", a commenté mercredi l'avocate auprès de l'AFP, qui a par ailleurs estimé que l'enquête de la juge versaillaise allait "dans le bon sens".

"On est véritablement là face à une indépendance de la justice, que nous n'avions pas connu jusqu'alors. Il y a des avantages à ce que le temps soit passé, la liberté de témoigner", a expliqué Me Dosé.

Le corps de Robert Boulin avait été retrouvé le 30 octobre au matin, dans 50 cm d'eau dans l'étang du Rompu à Saint-Léger-en-Yvelines (Yvelines). Officiellement, il se serait suicidé après avoir absorbé des barbituriques.

La veille, en quittant le ministère de Travail, il avait déposé des dossiers confidentiels dans son appartement de Neuilly-sur-Seine puis était parti pour une destination inconnue.

Après un non-lieu rendu en 1991, une nouvelle instruction pour "arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat" a été ouverte en août dernier, à la suite d'une plainte de Mme Boulin-Burgeat. Elle a toujours soutenu qu'il s'agissait d'un assassinat politique et non d'un suicide.

"Nous gardons espoir que cette instruction permette d'écarter, judiciairement et historiquement, la thèse du suicide", a indiqué son avocate, qui a demandé de nouveaux actes d'instruction, dont la déclassification de documents.

Résistant devenu avocat, Robert Boulin avait entamé une carrière politique en 1958 en devenant député gaulliste de Gironde puis maire de Libourne un an plus tard, constamment réélu jusqu'à sa mort. Mais ce sont surtout ses longues fonctions ministérielles entamées en 1961 qui l'ont fait connaître du grand public, en occupant différents postes dans les gouvernements Debré, Pompidou, Couve de Murville, Chaban-Delmas, Messmer et Barre.

Nommé ministre du Travail par ce dernier en 1978, sa popularité avait alors nourri des rumeurs qui le désignaient comme "Premier ministrable" de Valéry Giscard d'Estaing.

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