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Nouveau revers pour le projet nucléaire Hinkley Point, à peine lancé par EDF

A peine lancé par EDF, le projet de l'électricien de construire une centrale nucléaire au Royaume-Uni subit un nouveau contretemps: le nouveau gouvernement britannique s'est donné plus de temps pour se prononcer sur ce gigantesque chantier controversé, relançant les craintes sur son avenir.

Le ministre britannique des Entreprise et de l'Energie, Greg Clark, a surpris jeudi soir en déclarant que le gouvernement allait "examiner avec soin" le projet et ne rendrait pas sa décision finale avant le début de l'automne.

Cette annonce a pris de court jusqu'au sommet même d'EDF, dont le conseil d'administration venait d'approuver le lancement de la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, après des années de discussions.

Cette décision laissait présager une signature rapide, voire dès vendredi, des principaux contrats qui lieront EDF au gouvernement britannique, à son partenaire chinois CGN et à leurs fournisseurs.

Mais outre-Manche, le nouvel exécutif mis en place après le referendum sur le Brexit, dirigé par la Première ministre Theresa May, souhaite prendre le temps de parcourir les milliers de pages constituant les accords préliminaires signés en grande pompe en octobre 2015, lors d'une visite d'Etat du président chinois.

"Vous savez bien qu'un contrat est signé ou ne l'est pas. En l'occurrence, il ne l'est pas", a reconnu le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, lors d'une conférence téléphonique vendredi, interrogé sur la possibilité d'une remise en cause du projet par Londres.

"Le gouvernement britannique qui doit être partie prenante à la signature au titre d'un certain nombre d'engagements, en matière de tarifs, de gestion des déchets et quelques autres, a fait comprendre hier soir qu'il n'est pas en mesure de le faire dès maintenant. Il n'y a pas de contrat signé aujourd'hui, il y a seulement eu des intentions", a-t-il ajouté.

- L'implication chinoise passe mal -

Le nouveau gouvernement britannique a certes réitéré la place importante qu'il souhaite accorder à l'énergie nucléaire dans sa stratégie énergétique.

Mais les critiques se sont multipliées au Royaume-Uni contre les coûts et le bien-fondé d'Hinkley Point. Le National Audit Office, équivalent de la Cour des comptes française, a pointé une envolée de la subvention qui serait assumée par le contribuable, la chute des prix de marché de l'électricité ayant accentué l'écart avec le prix garanti à EDF par les autorités.

L'implication de CGN, qui supportera un tiers de l'investissement, semble mal passer aussi auprès du gouvernement de Theresa May, dont l'influent co-directeur de cabinet s'était déjà fait connaître pour son hostilité à la présence chinoise dans le nucléaire.

"Nous avons compris que, vu son importance au regard de la future sécurité énergétique de la Grande-Bretagne, le gouvernement britannique a besoin de temps pour mieux se familiariser avec ledit projet, ce que nous comprenons et respectons", a réagi CGN sur le réseau social Sina Weibo.

Ce report interroge en tout cas outre-Manche. Préfigure-t-il un éventuel changement de politique, au moment où Londres s'apprête à négocier sa sortie de l'UE ?

La décision pourrait retarder la date de mise en service, jusqu'ici annoncée pour 2025 avec un premier béton coulé mi-2019. Au grand dam des syndicats britanniques qui craignent des répercussions sur l'économie et l'emploi du Royaume-Uni, à l'unisson avec le patronat (CBI) qui réclame une décision "dès que possible".

Le groupe EDF s'est lui voulu rassurant. "Je ne doute pas du soutien du gouvernement", a dit son PDG. "C'est une décision essentielle pour l'avenir du nucléaire en Grande-Bretagne et en France", a-t-il estimé, en écho à la position du gouvernement français.

Pourtant, le feu vert du conseil d'administration d'EDF au projet est fragilisée par deux procédures judiciaires lancées par le comité central d'entreprise du groupe, et par des vives dissensions internes sur sa faisabilité à court terme.

Les syndicats français ont renouvelé vendredi leur opposition à ce "projet précipité" qui menace, selon eux, la viabilité d'EDF. L'agence de notation Moody's a par ailleurs estimé que "l'approbation du projet a une incidence négative" sur le profil d'endettement de l'électricien, tandis que SP Global Ratings a confirmé qu'elle pourrait baisser sa note d'un cran si EDF ne revoyait pas sa copie.

En désaccord avec la volonté du PDG de poursuivre coûte que coûte, deux responsables ont démissionné à quelques mois d'intervalles: le directeur financier en mars, et un administrateur proposé par l'Etat français jeudi.

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