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Nucléaire: EDF lance son projet nucléaire d'Hinkley Point

Malgré les critiques virulentes sur sa faisabilité, le projet d'EDF de construire deux réacteurs nucléaires à Hinkley Point, en Angleterre, a obtenu jeudi l'aval du conseil d'administration du géant de l'électricité, marquant le coup d'envoi de ce méga-chantier de 18 milliards de livres (21,5 milliards d'euros).

Cette décision intervient après des mois de lutte farouche des syndicats CGT, FO et CFE-CGE pour le report de deux ou trois ans de ce projet dont le poids financier menace, selon eux, la viabilité du groupe détenu à près de 85% par l'Etat français.

Sur un conseil ramené à 17 membres à la suite de la démission d'un administrateur hostile à Hinkley Point, dix administrateurs ont voté pour et sept contre - les six administrateurs salariés et l'administratrice indépendante et ancienne présidente du Medef Laurence Parisot-, a indiqué une source proche du dossier à l'AFP.

L'instance a ainsi pris la décision finale d'investissement qui autorise le PDG Jean-Bernard Lévy à signer les principaux contrats qui lieront EDF au gouvernement britannique, à son partenaire chinois CGN et à leurs fournisseurs.

Cette signature peut désormais intervenir à tout moment pour lancer la construction des réacteurs à Hinkley Point C (HPC) dans le sud-ouest de l'Angleterre, dont CGN assurera un tiers du financement (33,5%), avec un premier béton mi-2019 et une mise en service annoncée jusqu'ici pour 2025.

"HPC représente un atout unique pour les industries française et britannique puisqu'il bénéficiera à l'ensemble des filières nucléaires des deux pays et aux emplois de grandes entreprises et PME du secteur", a fait valoir EDF dans un communiqué.

Pour Greenpeace, au contraire, "ce choix mène l'entreprise tout droit vers la faillite et conduira à un sous-investissement dans la sûreté nucléaire pour le parc français".

Le projet permettra aussi au groupe de "consolider" sa présence en Grande-Bretagne, où il exploite déjà 15 réacteurs, a-t-il ajouté.

Mais quelques heures avant le début de la réunion, un administrateur proposé par l'Etat, Gérard Magnin, avait démissionné en raison de son désaccord avec Hinkley Point et la stratégie résolument pro-atome poursuivie par EDF au détriment, selon lui, de la transition énergétique.

C'est le deuxième départ fracassant au sein d'EDF lié à ce dossier, après celui début mars du directeur financier Thomas Piquemal qui, à l'instar des syndicats, jugeait ce chantier irréalisable à court terme en raison de ses risques financiers et industriels - aucun EPR ne fonctionne aujourd'hui du fait de dérapages de coûts et de délais sur les chantiers en cours.

- Décision fragilisée -

"A ce stade, on ne peut que regretter une telle décision portant sur un investissement si lourd (…) sans que tous les risques majeurs aient été levés", a déclaré à l'AFP le secrétaire général de la CFE-CGC Energies, William Viry-Allemoz, en dénonçant une décision "politique".

Pour FO, "aucun projet industriel ne peut réussir sans le soutien du personnel". Le président de la République François Hollande et le PDG d'EDF "ont pris un grand risque en passant en force" sur ce projet.

La FNME-CGT, première organisation syndicale dans l'énergie, a dénoncé une "décision au forceps". Mais "l'histoire ne s'arrête pas là", a-t-elle prévenu.

De fait, la décision du conseil est fragilisée par deux procédures judiciaires lancées par le comité central d'entreprise d'EDF: l'une pour faire suspendre "tous les effets des délibérations", lors d'une audience en référé prévue le 2 août, l'autre pour obtenir des informations supplémentaires sur le projet et pouvoir rendre "valablement" un avis. Cette dernière demande sera examinée le 22 septembre.

Comme EDF, l'Etat français estime lui le projet incontournable pour le maintien du savoir-faire et de la crédibilité de la filière nucléaire tricolore, en pleine refonte. Londres est un autre fervent partisan d'Hinkley Point, au coeur de sa stratégie énergétique.

"Le Royaume-Uni a besoin d'un approvisionnement énergétique fiable et sûr et le gouvernement est convaincu que l'énergie nucléaire est une composante importante du mix" énergétique, a commenté le ministre britannique des Entreprises et de l'Energie, Greg Clark.

En raison du retrait d'Areva, qui devait initialement y participer, EDF a dû prendre une participation majoritaire (66,5%) dans le projet, ce qui l'oblige à consolider le gigantesque investissement dans ses comptes et risque d'alourdir considérablement son endettement (37,4 milliards d'euros fin 2015).

Or, le groupe est déjà confronté à un mur d'investissements, comme la rénovation du parc nucléaire français et le rachat de l'activité réacteurs d'Areva dans un environnement énergétique fortement dégradé, qui l'a conduit à annoncer au printemps une série de mesures pour renforcer sa structure financière, dont une recapitalisation d'environ 4 milliards d'euros.

La cession d'une part de 49,9% de RTE à la Caisse des dépôts (CDC), avec qui EDF est en négociations exclusives sur base d'une valorisation d'environ 8,5 milliards, constituerait une autre rentrée d'argent frais.

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