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Pakistan : l'opposition renonce à une épreuve de force avec le gouvernement

L'opposition pakistanaise a renoncé à "bloquer" les rues d'Islamabad mercredi, se déclarant satisfaite d'une décision de justice ouvrant la voie à une enquête pour corruption sur la famille du Premier ministre Nawaz Sharif.

Le parti populiste PTI (Pakistan Tehreek-e-Insaf, Mouvement pour la justice) avait promis un million de manifestants et la paralysie de la capitale à partir de mercredi pour réclamer la démission de M. Sharif.

Mais son chef de file, l'ex-champion de cricket Imran Khan, a subitement tourné casaque mardi, criant "victoire" après une audition de la Cour suprême, et reporté la manifestation.

"Je suis si heureux que la Cour suprême ait ordonné une enquête à partir de jeudi", a-t-il déclaré à la presse devant sa résidence près d'Islamabad.

"Puisque la Cour suprême a déjà commencé son enquête, on nous a demandé d'annuler les protestations, donc nous suivrons cet avis", a indiqué le PTI.

En réalité, la procédure a à peine débuté. La décision de la Cour suprême ouvre la porte à la formation d'une commission d'enquête sur les biens détenus à l'étranger par les enfants de M. Sharif via des holdings offshore, dont l'existence avait été révélée en avril par les Panama Papers.

"Nous sommes déterminés à régler cette question", a déclaré à la Cour Asif Saeed Khosa, un des cinq juges chargés de trancher.

"Maintenant que la plus haute Cour du pays s'est saisie de cette question, (...) nous vous demandons d'agir avec retenue", a-t-il ajouté à l'adresse des plaignants, parmi lesquels figure le PTI. La Cour suprême a renvoyé l'affaire à jeudi matin.

- Aveu d'échec -

Mais pour un conseiller du Premier ministre, la volte-face de ce parti d'opposition est un aveu d'échec.

"Le PTI n'a pas réussi à mobiliser un grand nombre de gens et s'est senti obligé d'annuler le blocage pour s'éviter le ridicule", a estimé le secrétaire d'Etat Miftah Ismail, joint par l'AFP.

En dépit des menaces de M. Khan, la mobilisation ces deux derniers jours s'est cantonnée à quelques zones à la périphérie de la capitale et à l'autoroute reliant Peshawar (nord-ouest) et Islamabad. Quelque 5.000 protestataires y ont été repoussés dans la nuit de lundi à mardi par la police à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc.

Les autorités avaient déployé d'importants renforts de police et bloqué préventivement des routes à l'aide de dizaines de conteneurs maritimes, s'attirant de vives critiques.

Des heurts ont à plusieurs reprises opposé police et militants de l'opposition, dont au moins mille ont été arrêtés depuis l'interdiction de tout rassemblement dans la capitale annoncée la semaine passée, une interdiction partiellement levée lundi.

L'organisation Amnesty International a réclamé leur libération immédiate et critiqué un usage de la force "excessif et injustifié".

Pour le chercheur Michael Kugelmann, si le gouvernement sort renforcé de cette épreuve de force, "la décision de la Cour suprême aujourd'hui et l'annulation du blocage ne constituent pas une victoire pour le PTI ni pour le gouvernement, elles sont une victoire pour la démocratie".

A la place du blocage, ce parti a annoncé un rassemblement festif visant à exprimer sa gratitude envers la Cour suprême.

Ces événements éloignent la perspective d'un long bras de fer dans la rue entre autorités et partisans du PTI, similaire à celui qu'il avait déclenché en 2014, bloquant Islamabad pendant quatre mois. Une mobilisation alors orchestrée en sous-main par l'armée, selon des observateurs.

M. Sharif a désormais "traversé le plus gros des deux orages qui le menacent", estime l'analyste politique Mosharraf Zaidi.

Maintenant, "il va falloir qu'il gère les relations avec l'armée habilement et subtilement - affirmer son autorité en tant que chef du gouvernement tout en trouvant un moyen de regagner la confiance des hommes en uniforme".

Nawaz Sharif doit désigner dans les semaines à venir un nouveau chef d'état-major pour succéder au très populaire général Raheel Sharif, dont le mandat s'achève fin novembre.

L'armée, dont la position est considérée comme déterminante dans l'issue de la crise politique en cours, ne s'est pas exprimée publiquement à son sujet.

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