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Présidentielle: la désertification des centre-villes, thème oublié

Fermer sa boutique du centre pour s'installer en périphérie, ce commerçant y pense, les larmes aux yeux. Car il ne parvient plus à faire face à la "concurrence disproportionnée" qui vide le cœur de Montélimar d'une partie de sa population.

Ici, comme dans bon nombre d'autres villes moyennes, le centre est menacé de désertification. Le sujet reste pourtant largement absent des programmes et de la campagne présidentielle.

Les rues pavées de la ville, prise entre le Rhône et l'autoroute A7, invitent à flâner, mais on y croise peu de monde. Et quand on lève les yeux, plusieurs immeubles semblent à l'abandon.

"On nous oublie", lâche Jacques Sébille qui a ouvert un magasin de vêtements il y a cinq ans et s'alarme, depuis, de voir ses voisins baisser le rideau les uns après les autres.

"Ne nous laissez pas tomber", lance Lætitia, une mère au foyer de 36 ans rencontrée sur le chemin de sa manucure. "On a assez de moyens en France pour pouvoir remonter les centres-villes de Montélimar ou d'ailleurs."

Le gouvernement a mis sur la table, à l'automne, un million d'euros en faveur du "management" des centres-villes et des états généraux sont prévus le 28 février à Bercy. "C'est un enjeu majeur", relève le président de l'association "Montélimar 600 commerces", Fabrice Zangla.

Le centre de cette commune de 36.000 habitants affiche un taux de vacance commerciale de 18,4%, bien supérieur à la norme, selon l'institut Procos.

Sur les devantures vides qui prolifèrent, des affiches invitent à se rendre dans "la zone sud". Une large route où s'alignent de grandes enseignes nationales, de l'habillement à l'équipement de la maison en passant par les banques. Pourquoi s'implanter ici? Réponse unanime: car il est plus facile de s'y garer.

Institution depuis un demi-siècle, le pâtissier Escobar a sauté le pas il y a trois ans. Question de "survie" selon la direction. Le "tout piéton" intra muros a fait fuir une grande partie de la clientèle, celle qui vient en voiture, "prend son gâteau et repart".

- 'Cercle vicieux' -

Comme dans beaucoup de villes moyennes, le mal est là: logements et emplois migrent en périphérie, entraînant la désertification et la paupérisation du centre-ville. A Montélimar, où le taux de pauvreté (19,3%) dépasse de trois points celui de l'aire urbaine, les plus démunis "remplacent" les familles plus aisées qui s'éloignent, observe Martial Boillot, chargé de mission à l'association des commerçants.

Corinne Sorbier, qui tient un magasin d'artisanat au centre-ville, se souvient qu'en 2002, il n'y avait "pas une boutique de libre", avant que le "cercle vicieux" ne s'amorce. Depuis, le cœur de Montélimar se dégrade. "Il n'y a pas un bac à fleurs, pas de bancs, pas de toilettes publiques. Et ce ne sont pas que des petits détails", déplore-t-elle.

Pour Marc Rousselet, retraité de 70 ans accoudé au comptoir d'un café, "rien n'est fait" contre la "mocheté" du centre-ville alors qu'il faudrait "des arbres, des fontaines et des navettes électriques gratuites". Et de pester contre le maire, Franck Reynier (UDI), reconduit depuis 2001 à la tête du conseil municipal où le FN est entré en 2014 avec trois élus.

En novembre, les commerçants lui avaient remis symboliquement les clés de leurs boutiques lors d'une opération "ville morte", pour dénoncer son soutien à un projet de nouvelle galerie marchande, au nord cette fois, que l'édile justifie par "l'évolution des modes de consommation".

Une évolution inéluctable? A une centaine de kilomètres au nord, en Ardèche, le maire PS d'Annonay Olivier Dussopt, confronté au même problème, plaide pour que "l'Etat prenne la main" et définisse une "politique nationale" de revitalisation des centres-villes, pour que ce ne soit pas seulement "des élus qui chacun dans leur commune essaient d'aller chercher telle ou telle aide".

En mars, l'Association des petites villes de France adressera un manifeste à tous les candidats à la présidentielle. M. Dussopt, qui la préside, "ose espérer que le sujet soit consensuel".

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