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Prêtre tué en France: pourquoi le terroriste Adel Kermiche n'était-il pas en prison malgré son inculpation?

Au lendemain de l'attaque, la France mais aussi le reste du monde se demande pourquoi un individu dangereux pour la société et inculpé n'était pas en prison mais dans la rue. Eléments de réponse dans cet article.

Moins de deux semaines après le carnage de Nice (84 morts), les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont à nouveau frappé la France hier mardi à Saint-Etienne-du-Rouvray, où l'égorgement d'un prêtre dans son église pose la question des moyens de lutte contre les attentats. 

Jacques Hamel, prêtre auxiliaire de 86 ans, a été égorgé au couteau lors d'une prise d'otages dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. Un autre otage, un paroissien de 86 ans également, a été grièvement blessé mais est hors de danger.

L'attentat, revendiqué par l'EI, a été perpétré par deux terroristes islamistes qui ont été abattus. L'un des deux, mis en examen pour avoir tenté de rejoindre la Syrie, était sous bracelet électronique. Il a été formellement identifié comme étant Adel Kermiche. Connu des services antiterroristes, ce Français de 19 ans né à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime) avait tenté de rallier la Syrie par deux fois en 2015.


Deux tentatives de rejoindre l’Etat islamique en Syrie

D'abord en mars via l'Allemagne alors qu'il était mineur, mais il avait été interpellé par les autorités allemandes alors qu'il utilisait l'identité de son frère. Placé en garde à vue à son arrivée en France le 23 mars 2015, il sera mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste et placé sous contrôle judiciaire avec l'interdiction de quitter le département.

Mais un mois et demi plus tard, il avait de nouveau quitté le domicile familial et un mandat d'arrêt était délivré à son encontre. Localisé et interpellé en Turquie le 13 mai en provenance de Genève avec la carte d'identité de son cousin, il est expulsé vers la Suisse puis vers la France. A nouveau mis en examen, il est placé en détention provisoire jusqu'au 18 mars 2016, date à laquelle un juge antiterroriste ordonne son placement sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence sous surveillance électronique.


Parce qu'il avait "des idées suicidaires"

La juge d'instruction avait alors motivé sa décision notamment par le fait que le jeune homme aurait "pris conscience de ses erreurs" et qu'il aurait aussi eu des "idées suicidaires" durant son incarcération qu'il vivait mal, révèle Le Monde sur base des pièces du débat judiciaire qui opposait la juge d'instruction en charge du dossier et le parquet de Paris. Dans son ordonnance, la juge d'instruction précisait qu'Adel Kermiche serait "déterminé à entamer des démarches d'insertion" et que sa famille semblait prête à lui apporter "encadrement" et "accompagnement". Régulièrement hospitalisé pour des troubles psychologiques, il était suivi depuis l'âge de 6 ans, selon Le Monde.

Le parquet de Paris avait décidé de faire appel de l'ordonnance de la juge, qu'il jugeait "peu convaincante". Dans son réquisitoire, il estimait que les contraintes prévues par le contrôle judiciaire "s'avèrent parfaitement illusoires au vu du contexte du dossier". "Dans ces conditions, et quoiqu'il fasse état d'une erreur et réclame une seconde chance, il existe un risque très important de renouvellement des faits en cas de remise en liberté", considérait alors le ministère public.

La chambre de l'instruction n'a pas suivi l'appel du parquet.

En prison, Adel Kermiche a partagé la cellule d'un Saoudien et fait la connaissance d'un jeune Français ayant passé dix-huit mois dans les troupes de l'EI, selon le journal français.


Il pouvait sortir de chez lui

La surveillance électronique est une mesure qui peut être prise en attente du jugement (personne prévenue). Il s'agit alors d'une assignation à résidence sous surveillance électronique. C'était cette mesure qui concernait Adel Kermiche. Il avait comme obligation de résider au domicile familial avec le droit de sortir du lundi au vendredi de 08H30 à 12H30 et samedi, dimanche et jours fériés de 14H00 à 18H00, avec l'interdiction de quitter le département, une obligation de pointage une fois par semaine au commissariat, de justifier de son activité professionnelle et de remettre sa carte d'identité et son passeport. Ces précisions ont été données mardi soir par le procureur de Paris François Molins.


Encore 13 radicalisés sous surveillance électronique en France

Aujourd'hui, sept prévenus pour des affaires de terrorisme islamiste font l'objet d'une assignation à résidence sous surveillance électronique, selon la chancellerie. Mais cette mesure peut aussi être prononcée comme aménagement de peine pour des personnes condamnées ou dans le cadre d'une libération sous contrainte. Six personnes condamnées pour terrorisme islamiste sont aujourd'hui sous Placement sous surveillance électronique (PSE), a précisé le ministère.


La police française demande à ce qu'aucun terroriste présumé ne puisse profiter du bracelet électronique

"Il faut en finir avec cette possibilité qui est donnée de libérer pendant sa détention provisoire, donc avant son jugement, tout individu mis en examen pour un quelconque lien avec le terrorisme", a réagi Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat policier Alliance.

Le directeur général du renseignement intérieur (DGSI), Patrick Calvar, a pointé mi-juillet devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015 les limites du contrôle judiciaire des personnes mises en examen dans les dossiers terroristes en parlant d'un "angle mort". Pour la DGSI, "il est nécessaire de prévoir des mesures de contrôle judiciaire qui soient très fortes et appliquées à la lettre".

Dans un climat politique déjà électrisé par l'attentat de Nice, l'opposition a critiqué mardi la politique antiterroriste du gouvernement.


L'enquête progresse: un mineur placé en garde à vue

L'identification du second assaillant était toujours en cours ce matin. Selon France 3, il aurait également été identifié. Il s'agirait d'un jeune de 19 ans, Abdelkrime Petitjean, inconnu des services de police et de renseignement.

Un mineur de 16 ans né en Algérie a été placé en garde à vue. Il s'agit du frère cadet d'un individu faisant l'objet d'un mandat d'arrêt pour être parti sur la zone irako-syrienne le 29 mars 2015 avec les papiers d'identité d'Adel Kermiche. Il a rapidement été établi que cet adolescent n'avait aucun lien avec l'assassinat terroriste, a indiqué ce mercredi le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve sur les ondes d'Europe 1. Le ministre a néanmoins pris la précaution d'ajouter que "nous en saurons plus dans quelques heures".


Rappel des faits

Mardi vers 09H25, les deux assaillants étaient entrés dans l'église en pleine messe et avaient pris six personnes en otage: le prêtre, trois religieuses et un couple de paroissiens.

Les djihadistes, qui se sont "enregistrés", ont crié "vous, les chrétiens, vous nous supprimez", et l'un a fait "un peu comme un sermon autour de l'autel en arabe" avant d’égorger le prêtre Jacques Hamel, a témoigné sur RMC et France 2 l'une des religieuses, Soeur Danielle, parvenue à s'enfuir et à prévenir la police.

Les deux religieuses et la paroissienne sont ensuite sorties, "suivies des deux terroristes, l'un d'eux portant une arme de poing, s'élançant sur les forces de police aux cris d'Allah Akbar", selon le procureur François Molins.

Les policiers de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Rouen les ont abattus.

L'un d'eux a été trouvé porteur d'un faux engin explosif et de trois couteaux, l'autre qui tenait dans la main un minuteur de cuisine portait un sac à dos à l'intérieur duquel a été trouvé un faux engin explosif.

Dans l'église, ont été retrouvés le corps sans vie du prêtre, qui présentait des blessures au couteau à la gorge et au thorax ; et celui d'un paroissien, blessé par arme blanche à la gorge. Il a été hospitalisé, ses jours ne seraient pas en danger.

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