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Buraliste du Tarn: les parties civiles "contre l'autodéfense"

Les parties civiles ont mis en garde vendredi à Toulouse contre la "défiguration" de la légitime défense et plaidé "contre l'autodéfense", au troisième jour du procès en appel d'un buraliste pour le meurtre d'un jeune cambrioleur en 2009.

"Nous ne plaidons pas contre Luc Fournié, nous plaidons pour une cause et contre sa déformation, sa défiguration", a lancé Me Simon Cohen, avocat des parties civiles, à la Cour d'assises de Haute-Garonne.

"Nous plaidons pour que la légitime défense soit consacrée telle qu’elle est instituée, pour qu'elle ne dégénère pas. Nous plaidons contre l'autodéfense, parce que nous considérons que c'est à la fois une régression et un danger", a déclaré le pénaliste.

"On est très loin d'une situation de légitime défense", a abondé Me Patrick Maisonneuve, autre avocat des parties civiles.

"Il y a eu une véritable anticipation de la part de M. Fournié, il y avait eu une décision qui avait été prise, qui consistait à dire : +la justice, c’est moi qui vais la rendre+, [...] +c'est moi qui serai le juge mais également le bourreau de celui qui sera rentré".

M. Fournié, 59 ans, est rejugé depuis mercredi pour avoir tué dans la nuit du 14 décembre 2009 d'un coup de fusil de chasse un adolescent, Jonathan, qui s'était introduit par effraction dans son bar-tabac de la petite commune de Lavaur (Tarn), avec un autre mineur, Ugo.

Les réquisitions de l'avocat général sont attendues en début d'après-midi, le verdict vendredi soir.

Plus tôt vendredi matin, la cour avait rejeté la demande de renvoi du procès, formulée la veille par la défense. Me Georges Catala avait souligné l'absence d'Ugo, le second cambrioleur, "un témoin essentiel pour ne pas dire capital", qui se trouve actuellement en Nouvelle-Zélande.

"Toutefois, la cour ne tiendra aucun compte des déclarations [passées NDLR] d'Ugo qui pourraient être défavorables à l'accusé, sauf celles bien sur confirmées par Luc Fournié", a dit le président Michel Huyette.

- "Pas un délinquant" -

Élève de terminale S, Ugo avait eu l'idée du cambriolage et scié les barreaux d'une fenêtre du bar-tabac, avant de les recouvrir maladroitement de scotch, selon l'une de ses dépositions lues à l'audience. La veille du drame, Jonathan, qui était "un ami d'enfance", avait décidé de l'accompagner dans le bar-tabac pour y voler des cigarettes et de l'argent. Aucun des deux n'était armé.

A la barre, des proches et la famille de Jonathan avaient décrit jeudi soir un "gamin vivant", qui "n'était pas un délinquant" et avait ce soir-là "fait une grosse bêtise". Le lycéen n'avait pas de casier judiciaire.

Sa mère, originaire du Gabon, avait lu à la barre les lettres racistes reçues après le drame, et raconté avoir finalement dû déménager de Lavaur. Évoquant des "difficultés" avec son fils, elle avait déclaré: "J'aurais été la première à lui en filer une. Il méritait une punition, mais pas celle-là".

Au cours des trois jours de débats, la cour a ausculté, articles de loi en main, les jours précédents et les minutes du drame qui s'est joué vers 2H30 du matin dans le bar-tabac.

Quatre jours auparavant, M. Fournié avait en effet constaté que ses barreaux avaient été sciés et s'en était ouvert aux gendarmes.

Au cours des jours suivants, il était allé chercher le fusil de son père, des cartouches, et avait installé un système d'alarme de fortune. Il avait aussi décidé de dormir au rez-de-chaussée et de "faire des rondes".

En premier instance, la Cour d'assises du Tarn avait condamné le cafetier à 7 ans d'emprisonnement pour meurtre et blessure, jugeant sa riposte "disproportionnée" et rejetant la qualification de légitime défense et ainsi, l'acquittement, demandé par le parquet général.

Le buraliste avait fait appel et avait été remis en liberté sans contrôle judiciaire, un mois après sa condamnation.

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