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Turquie: Ankara prévient l'UE qu'elle ne faiblira pas dans sa riposte

La Turquie a porté samedi à 30 jours la durée des gardes à vue, a dissous plus de 2.000 institutions, dont la garde présidentielle, et prévenu l'UE qu'elle ne faiblirait pas dans sa riposte aux partisans du prédicateur Fethullah Gülen, accusés d'être à l'origine du putsch manqué.

Ce que les responsables européens "disent ne m'intéresse pas et je ne les écoute pas", a déclaré le président Recep Tayyip Erdogan dans une interview à la chaîne française France 24.

Enième critique venue de responsables de l'UE, peu après la diffusion de cet entretien samedi, le chef du gouvernement italien Matteo Renzi reprochait à Ankara de "mettre en prison l'avenir" du pays, où l'état d'urgence a été instauré jeudi pour la première fois en quinze ans.

Ses premiers effets concrets ont été déclinés dans le Journal officiel: extension de quatre à 30 jours de la durée maximale de garde à vue; radiation à vie des fonctionnaires liés à Fethullah Gülen. Et samedi soir, un responsable a annoncé l'arrestation de Hails Hanci, qualifié de "bras droit" de M. Gülen.

Ont été fermés 1.043 établissements d'enseignement, 15 universités, 1.229 associations et fondations, 19 syndicats... Le président Erdogan a répété sa volonté d'éradiquer ce "virus", ce "cancer" qui se serait "métastasé" dans les institutions.

Certes, la justice a annoncé l'élargissement de 1.200 militaires du rang, une décision de libération inédite depuis le début des purges massives après l'échec du coup d'Etat qui s'est soldé par 270 morts, dont 24 mutins.

Mais dans la soirée de samedi, le Premier ministre Binali Yildirim a annoncé à la télévision la dissolution de la garde présidentielle, car "elle n'a pas de raison d'être". Après le putsch manqué, 283 de ses 2.500 membres ont été arrêtés.

M. Yildirim a également indiqué que 13.002 gardes à vue avaient été prononcées depuis les événements de la nuit du 15 au 16 juillet et 5.837 personnes placées en détention, dont 3.718 soldats et 123 généraux.

- 'Plus sauvage que Daech' -

"Venez ici! Venez voir à quel point c'est grave!", a lancé le ministre des Affaires européennes Omer Celik à ceux qui penseraient "que c'est juste un jeu de Pokémon". M. Gülen, a-t-il ajouté, est "plus dangereux qu'Oussama Ben Laden" et son mouvement "plus sauvage que Daech", acronyme arabe du groupe Etat islamique (EI).

Le responsable a toutefois assuré que l'accord du 20 mars entre Ankara et Bruxelles, qui a permis d'assécher le flux des migrants en route vers l'Union européenne (UE), avait continué à être appliqué "sans accroc" et appelé de ses voeux "un nouvel élan" dans les négociations d'adhésion avec l'UE.

Le président Erdogan s'est montré moins volontariste et a répété que si le peuple l'exigeait et si le Parlement le votait, il accepterait le rétablissement de la peine de mort, ce qui risque de torpiller le processus d'adhésion.

- Gülen au bout du fil ? -

Avant une manifestation qui s'annonce massive dimanche place Taksim à Istanbul, les partisans de M. Erdogan redescendaient dans les rues samedi soir, crier leur haine de Fethullah Gülen, dont un neveu a été interpellé, outre son proche collaborateur Hails Hanci.

"On ramènera aussi ce traître (...) de Pennsylvanie", a affirmé vendredi le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu lors d'un de ces rassemblements dans la ville côtière d'Antalya (sud).

Dans un contexte de tensions entre Ankara et Washington, le président Barack Obama a prévenu que la question d'une éventuelle remise du septuagénaire, exigée par les Turcs, serait traitée conformément à la loi américaine.

Par le passé, les Etats-Unis "nous ont fait plusieurs demandes d'extradition, (...) nous ne leur avons jamais demandé aucun document", a déclaré M. Erdogan, qui a assuré que des preuves seraient envoyées d'ici "une dizaine de jours".

Le président turc a affirmé que le chef d'état-major de l'armée Hulusi Akar, resté loyal et pris en otage par les putschistes, s'était vu proposer par ses ravisseurs de s'entretenir au téléphone avec Fethullah Gülen.

Si les autorités sont déterminées à poursuivre le grand ménage dans les services de sécurité, Hakan Fidan, le patron des puissants services de renseignement, le MIT, pris en défaut par le putsch, a pour le moment sauvé sa tête.

Le principal parti prokurde (HDP) a réuni quelques milliers de personnes à Istanbul, pour protester contre le putsch mais aussi contre l'état d'urgence.

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