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Rentrée: Cécile Cres, des tableaux Excel au tableau noir

Il aura fallu une expérience malheureuse dans le privé pour que Cécile Cres découvre sa vocation: prof, et pourquoi pas dans le "93". Après un été monacal à préparer ses cours, l'ex-cadre RH fera lundi sa première rentrée au collège Robespierre d'Epinay-sur-Seine.

Lundi, le principal de cet établissement de 700 élèves, en zone d'éducation prioritaire, accueillera 24 nouveaux enseignants, près de la moitié de l'effectif.

Parmi eux, Cécile Cres : "Je ne la connais pas encore très bien mais pour moi elle a un atout : elle veut être là", affirme François Resnais, 37 ans, dans son bureau encombré de dossiers.

L'enseignement, cette fille de profs qui a grandi à Martigues (Bouches-du-Rhône) ne voulait pourtant pas en entendre parler.

Après des études d'histoire de l'art, elle intègre le service des ressources humaines d'une grande entreprise. Dont elle démissionne, en 2013, après un conflit avec sa hiérarchie.

"Le métier que je faisais avait fini par me rendre malade", avoue cette grande fille brune de 32 ans, en jean et blouson noir, à la "tchatche" typique du sud.

Au chômage, elle prépare le CAPES d'histoire-géo, échoue, retente sa chance: la deuxième est la bonne.

Enseignante-stagiaire, elle est affectée au lycée Feyder d'Epinay-sur-Seine, une commune relativement enclavée du nord de Paris. Elle a 9 heures de cours, mais est encadrée par deux tuteurs.

Epinay était son premier voeu: elle habite la ville voisine de Saint-Denis à 20 minutes en voiture. "L'avantage de ces coins-là, c'est que les gens ne le demandent pas tellement", dit-elle. Bel euphémisme.

Sa première confrontation avec une classe lui a réservé des surprises. "Il m'a fallu un mois et demi pour m'apercevoir que les élèves ne comprenaient pas ce que je disais. Par exemple, quand je parlais de +croissance+ ou d'+enjeu économique+".

Mais cette expérience l'a confortée dans son choix. "Contrairement aux idées reçues, ça passe très bien de leur faire lire du Saint-Just ou du Robespierre", assure la nouvelle recrue, passionnée par la Révolution française.

Et la formation reçue à l'Ecole supérieure du professorat et de l’Éducation (ESPE) lui a été "très utile", en particulier pour "savoir comment se comporter face aux élèves, les choses à faire/ne pas faire, dire/ne pas dire".

- "Moment de grâce" -

Prof dans le "93", un métier impossible? "Il y a des cours qui se passent mal, mais il y a toujours un moment de grâce, quand on voit que les élèves tout à coup comprennent, qu'on vient de leur ouvrir les portes du possible..."

Et puis, "c'est le dernier endroit où les gens croient en l'école républicaine", affirme Cécile Cres, qui relativise les problèmes de discipline. "C'est la crise d'adolescence, ils s'insurgent contre l'autorité, c'est normal".

Quant à la mauvaise réputation d'Epinay, fondée notamment sur la rémanence d'une guerre entre bandes de quartiers, qui implique parfois des élèves des établissements de la ville, elle n'est pas du genre à s'en effrayer.

François Resnais, dont ce sera la deuxième rentrée en tant que principal, assure d'ailleurs qu'une fois franchies les grilles du collège, "tout se passe bien".

Ce qui inquiète plutôt Cécile Cres, c'est la charge de travail. "Dans le privé, on s'imagine que les profs ne travaillent pas. Or je n'ai jamais autant travaillé que pendant mon année de stage. Je n'avais plus de vie sociale, étais au lit à 20H30..." raconte l'enseignante. Mais "au moins, on sait pourquoi on travaille, ça a du sens".

Son dernier jour de vacances, elle le passe encore enfermée dans sa chambre, à préparer ses cours et peaufiner son "topo introductif: +on n'est pas là pour s'amuser, je suis sévère mais juste, etc+".

N'éprouve-t-elle aucune appréhension, vraiment, pour sa première rentrée? "Si, que mes élèves ne repèrent pas quand je fais une blague".

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