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Révision constitutionnelle: Valls tente de convaincre une Assemblée nationale divisée

L'Assemblée nationale, où chaque camp est divisé, a entamé vendredi les débats sur la révision constitutionnelle post-attentats, Manuel Valls promettant sur la pomme de discorde de la déchéance de nationalité que le "principe de l'égalité" de tous les Français serait respecté.

Dans un hémicycle dégarni, notamment à droite, le Premier ministre a défendu le projet de loi constitutionnelle de "protection de la nation" annoncé par François Hollande devant les parlementaires à Versailles trois jours après le 13 novembre.

Dans une France "en guerre", il faut "s'armer également avec la force du droit et de la Constitution (...) C'est un moment clé pour faire la démonstration que les forces politiques sont capables de s'unir sur l'essentiel et cela passe par la révision de la Constitution", a conclu M. Valls en réponse à la trentaine d'orateurs du premier jour de débats.

Près de lui, au banc du gouvernement, le nouveau ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, nommé après la démission de Christiane Taubira pour "désaccord majeur" sur la déchéance.

Clamant que les Français demandent "une unité sans faille" face au terrorisme, Manuel Valls a déclaré que constitutionnaliser l'état d'urgence, c'était "graver dans le marbre" son "caractère exceptionnel", ou s'est dit favorable à une prorogation limitée à quatre mois, renouvelables, comme le réclame notamment l'UDI.

En déplacement à l'Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux, François Hollande a voulu lui aussi donner des assurances, garantissant que ce projet de loi "n'enlevait rien aux attributions de la justice".

Sur la déchéance de la nationalité, le chef du gouvernement a glissé que serait inscrit "au coeur de la Constitution le principe de l'égalité de tous devant l'exigence républicaine".

L'étendard de la contestation, également manifestée par un rassemblement militant près de l'Assemblée, a été porté par la coprésidente des écologistes, Cécile Duflot, contre un projet de révision "inutile" et "dangereux", où "la gauche, en voulant mettre un adversaire dans l'embarras, a jeté aux oubliettes nos valeurs". Son réquisitoire et une référence à Vichy lui ont valu une vive réplique de Manuel Valls.

La déchéance "n'est pas une idée de droite" mais "ancrée dans l'histoire de la République", a plaidé le Premier ministre. C'est "un principe", selon le garde des Sceaux.

Sur l'inscription dans la Constitution de l'état d'urgence, ses défenseurs mettent en avant le souci de mieux "encadrer" et éviter un "recours excessif" à ce régime d'exception, né en pleine guerre d'Algérie et durci en novembre. Ses détracteurs la jugent au mieux inutile, au pire dangereuse pour les libertés publiques.

Mais c'est sur l'article 2 dédié à la déchéance de nationalité pour les terroristes que l'exécutif cherche depuis des semaines à résoudre la "quadrature du cercle" : répondre autant à la contestation par une bonne part de la gauche de sa mesure initiale réservée aux seuls binationaux nés Français, qu'aux desiderata de la droite et du centre.

- La droite également désunie -

Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Parlement réuni en Congrès est requise pour ratifier la révision.

La quête d'un compromis à gauche s'est traduite par plusieurs réécritures, pour retirer la référence à la binationalité, puis à l'apatridie, dans le futur texte d'application. Pas encore assez pour certains socialistes, pour la majorité des écologistes et pour le Front de gauche.

Pour satisfaire certaines demandes, notamment de Nicolas Sarkozy, la déchéance a été élargie aux délits les plus graves.

Mais entre désaccords de principe et arrière-pensées sur la primaire, la droite n'est pas unie et seule "la moitié" des députés LR voterait actuellement la réforme, selon l'un d'eux.

Le chef de file du groupe Christian Jacob n'a pas pris la parole, laissant parler autant de pour, comme Guillaume Larrivé, que de contre, comme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde a conseillé à Manuel Valls de renoncer à l'article sur la déchéance, pour obtenir au moins un vote conforme de l'Assemblée et du Sénat sur l'état d'urgence.

Le chef de file du Front de gauche André Chassaigne a dénoncé "des modifications de pures circonstances, dont l’utilité n’est pas avérée". Plus embarrassé, le PRG Roger-Gérard Schwartzenberg, a jugé cet article 2 "encombrant".

Marion Maréchal-Le Pen (FN) a qualifié la réforme constitutionnelle de "perte de temps".

L'hypothèse d'un Congrès, espéré au printemps par l'exécutif pour ratifier ce qui serait la 22e révision constitutionnelle depuis 1958, reste donc incertaine.

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