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Silhouettes de la discorde: le Conseil d'Etat donne raison à Dannemarie

Poses lascives, à califourchon, en maillot de bain... Décriées pour leur sexisme, les silhouettes féminines exposées par la commune alsacienne de Dannemarie ont finalement droit de cité, selon le Conseil d'Etat, qui les juge certes d'un "goût douteux", mais pas contraires à la dignité.

La plus haute juridiction administrative a annulé en appel vendredi le retrait de la voie publique de ces silhouettes de la discorde. Le collectif féministe des "Effronté-e-s" avait en première instance, devant le juge administratif de Strasbourg, obtenu gain de cause le 9 août contre la commune, qui compte 2.300 habitants.

Dans le cadre d'une "année de la femme", la municipalité avait exposé dans le village 65 silhouettes féminines en contreplaqué, pour certaines légèrement vêtues, chargées de sacs de shopping, ou dans des poses suggestives, et 60 silhouettes de divers accessoires.

Interrogé par l'AFP, le maire Paul Mumbach s'est dit "très heureux" et a parlé d'une "victoire de la tolérance".

Il a indiqué que "sans esprit de triomphalisme", il allait "réinstaller quelques silhouettes" dans les rues, notamment une effigie de Betty Boop à l'entrée de l'hôtel de ville. Certaines avaient été "adoptées" par les habitants, qui les ont installées dans leurs jardins ou sur leurs balcons.

Les Effronté-e-s, elles, ont fait part dans un communiqué de leur "consternation" face à la décision du Conseil d'Etat de "ne pas reconnaître le caractère sexiste suffisamment grave des silhouettes extrêmement stéréotypées de la commune de Dannemarie".

"Même si les panneaux peuvent être perçus comme véhiculant des stéréotypes dévalorisants pour les femmes, ou, pour quelques-uns d’entre eux, comme témoignant d’un goût douteux voire comme étant inutilement provocateurs, leur installation ne peut être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la dignité humaine", a estimé la plus haute juridiction administrative.

Or, il lui aurait fallu constater une telle atteinte pour ordonner le retrait en urgence de l'installation, conformément aux règles de la procédure bien particulière du "référé-liberté" engagée par le collectif féministe.

- "Précision juridique" -

La plus haute juridiction administrative a par ailleurs apporté une précision juridique.

Le juge de Strasbourg avait porté le principe de l'égalité des femmes et des hommes au rang des "libertés fondamentales", celles qui, comme la liberté d'expression par exemple, méritent que l'on saisisse en urgence la justice administrative.

Pour le Conseil d'Etat, c'est aller trop loin: "en l’absence d’intention de discriminer de la part de la commune ou de restriction à une liberté fondamentale, la méconnaissance alléguée de l’égalité entre les hommes et les femmes ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale."

"Le magistrat est plus soucieux de protéger sa procédure du référé-liberté que les droits des femmes" a déploré auprès de l'AFP Lorraine Questiaux, avocate des Effronté-e-s.

Elle lui reproche de vouloir limiter au maximum l'accès à cette procédure particulière, qui avait par exemple abouti en 2014 à l'interdiction d'un spectacle de Dieudonné, de peur de crouler sous les contentieux portant sur le sexisme.

Les féministes n'entendent pas pour autant baisser les bras. La décision du Conseil d'Etat "nous encourage à engager une procédure au fond", hors de toute urgence, et à déposer un "recours en annulation", a dit Me Questiaux.

A Dannemarie non plus, on ne compte pas en rester là: son maire a annoncé la mise en vente sur internet de T-Shirts et casquettes représentant une femme alanguie, avec le slogan "Touche pas à ma silhouette".

La recette ira "à une association de lutte contre le cancer du sein", a-t-il dit.

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