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Turquie: le renforcement des pouvoirs d'Erdogan soumis au Parlement

Le parti au pouvoir en Turquie a soumis au Parlement samedi une proposition de révision constitutionnelle qui renforcerait considérablement les prérogatives du président Recep Tayyip Erdogan, moins de cinq mois après l'échec d'un putsch ayant visé à le renverser.

Cette proposition prévoit le transfert du pouvoir exécutif du Premier ministre au président et pourrait potentiellement permettre à M. Erdogan, élu chef de l'Etat en 2014 après trois mandats à la tête du gouvernement (2003-2014), de rester au pouvoir jusqu'en 2029.

"Le président de la République est le chef de l'Etat. Le pouvoir exécutif appartient au président de la République", est-il écrit dans ce texte de 21 articles, que l'AFP a consulté.

L'idée d'un renforcement des prérogatives de M. Erdogan inquiète ses opposants qui l'accusent de dérive autoritaire, en particulier depuis la tentative de coup d'Etat du 15 juillet et les purges qui ont suivi.

Mais les dirigeants turcs affirment qu'un tel système est nécessaire pour assurer la stabilité au sommet de l'Etat, à un moment où la Turquie est confrontée à une situation sécuritaire instable, connaît un ralentissement économique et a déclenché une offensive militaire en Syrie.

Le système présidentiel permettrait de "mettre fin à la confusion" sur le partage des pouvoirs entre les chefs du gouvernement et de l'Etat, a déclaré le Premier ministre Binali Yildirim samedi.

Si la révision est validée, le président nommera et révoquera les ministres, aura un ou plusieurs vice-présidents et pourra prendre des décrets.

La proposition doit recueillir l'aval d'au moins 330 des 550 députés pour pouvoir être soumise à un référendum. Le parti au pouvoir AKP et la formation de droite nationaliste MHP, qui soutient le texte, ont ensemble au total 355 sièges dans l'hémicycle.

"Nous sommes convaincus que ce texte sera approuvé (au Parlement) à une forte majorité et qu'il arrivera devant le peuple", a déclaré un député de l'AKP, Abdulhamit Gül, au cours d'un point presse à Ankara.

- 'Début d'une nouvelle ère' -

Selon le vice-Premier ministre Nurettin Canikli, une consultation populaire pourrait avoir lieu dès le mois de mars.

Premier chef de l'Etat turc élu au suffrage universel, M. Erdogan n'a eu de cesse d'exhorter le gouvernement à réviser la Constitution pour instaurer un système présidentiel, citant en exemples la France et les Etats-Unis.

"Si Dieu le veut, ce sera le début d'une nouvelle ère" pour la Turquie, a déclaré samedi M. Erdogan dans un discours à Istanbul, avant l'envoi du texte au Parlement.

Le projet de révision constitutionnelle prévoit l'organisation simultanée, en novembre 2019, d'élections législatives et présidentielle. Le chef de l'Etat serait élu pour un mandat de cinq ans une fois renouvelable.

On ne savait toutefois pas si le nombre maximum des mandats serait réinitialisé à partir de 2019. Dans ce cas, M. Erdogan pourrait potentiellement rester au pouvoir jusqu'en 2029.

M. Yildirim a fait savoir samedi qu'il ferait une déclaration "détaillée" au sujet du projet de réforme dimanche.

Après avoir longtemps ignoré les appels du pied du gouvernement, le chef du MHP, Devlet Bahçeli, a décidé le mois dernier d'appuyer l'initiative de l'AKP, à condition que ses "sensibilités" soient respectées.

Le rapprochement entre cet homme politique nationaliste et le pouvoir a été accompagné d'une répression accrue des milieux prokurdes et d'un débat sur le rétablissement de la peine capitale, soutenus par le MHP.

Mais la révision constitutionnelle suscite aussi le fort rejet des partis d'opposition prokurde HDP et sociale-démocrate CHP, qui accusent M. Erdogan de profiter de l'état d'urgence en vigueur pour mener à bien la présidentialisation du système.

Pour Meral Danis Bestas, députée HDP et membre de la commission parlementaire, accepter le système présidentiel reviendrait à "s'abandonner à la volonté d'une seule personne".

Des opposants et des ONG ont mis en garde contre un renforcement des pouvoirs de M. Erdogan, notamment après le déclenchement par les autorités turques, à l'issue du coup de force de juillet imputé au prédicateur Fethullah Gülen qui vit aux Etats-Unis, de vastes purges ayant, au-delà de la chasse aux putschistes présumés, visé les milieux prokurdes et les médias.

L'ampleur de ces mesures suscite l'inquiétude de l'Occident, notamment de l'Union européenne, dont les relations avec la Turquie se sont dégradées ces derniers mois.

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