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Harcèlement moral reconnu pour une ex-salariée d'UBS France, lanceuse d'alerte

Une ancienne cadre d'UBS France, lanceuse d'alerte, a obtenu gain de cause: la justice prud'homale a reconnu jeudi le harcèlement moral de Stéphanie Gibaud, qui avait refusé de détruire des documents susceptibles de révéler l'existence d'un système d'évasion fiscale.

Selon le jugement du conseil de Prud'hommes de Paris, consulté par l'AFP, "le harcèlement moral allégué est établi" et la filiale française de la banque suisse est condamnée à verser 30.000 euros de dommages et intérêts à son ancienne salariée, licenciée en 2012.

"Stéphanie Gibaud, refusant de se plier à la loi du silence, a subi un calvaire épouvantable. Le conseil reconnaît le harcèlement moral et c'est pour elle une satisfaction morale essentielle", a réagi auprès de l'AFP son avocat Me William Bourdon.

Cependant, cette satisfaction est "pondérée par un montant de dommages et intérêts trop timide mais les juridictions françaises commencent à peine à prendre la mesure des conséquences très lourdes des représailles subies par les lanceurs d'alerte", a-t-il ajouté.

Sa cliente réclamait 1,15 million d'euros pour réparer le harcèlement subi. Elle demandait 1,7 million d'euros au total. Le tribunal n'a pas reconnu la discrimination et le délit d'entraves.

La condamnation d'UBS, "c’est énorme notamment pour les lanceurs d’alertes qui sont derrière moi parce que effectivement, ça peut servir de jurisprudence, ça peut servir pour les autres que mon cas serve", a déclaré à l'AFP-TV Mme Gibaud à l'issue du jugement.

Dans un communiqué, UBS France "prend acte de ce jugement". Si la banque "persiste à considérer qu’il n’y a pas eu de harcèlement à l’égard de son ex-salariée", elle précise qu'elle ne fera pas appel "au regard des motivations du jugement et des faibles montants accordés par le conseil des prudhommes".

"Si Mme Gibaud s’est acharnée dans les médias contre la banque, la banque ne s'acharnera pas contre Mme Gibaud", a réagi Jean-Frédéric de Leusse, Président du Directoire d’UBS France.

- 'Pot de terre contre pot de fer' -

La banque UBS, numéro 1 mondial de la gestion de fortune, est dans l'oeil du cyclone en Suisse et en France. En France, la banque a été mise en examen pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et un mandat d'arrêt a été lancé contre trois anciens cadres dirigeants.

UBS est soupçonnée d'avoir démarché illégalement de riches clients français pour qu'ils ouvrent des comptes en Suisse au début des années 2000, à l'insu du fisc.

Embauchée par UBS France dès sa création en 1999, Mme Gibaud était notamment en charge de l'organisation d'événements pour des clients fortunés. Elle affirmait avoir été victime de harcèlement moral après avoir refusé de détruire des listings d'invités et de chargés d'affaires suisses susceptibles d'accréditer ce démarchage illégal.

L'ex-salariée était soutenue par une vingtaine d'organisations et syndicats qui ont lancé cette semaine une campagne pour mieux protéger les salariés lanceurs d'alertes, citoyens qui dénoncent des faits graves pour l'intérêt général. Une cinquantaine de soutiens et trois personnes revendiquant elles aussi être des lanceurs d'alertes s'étaient déplacé jeudi aux Prud'hommes, selon un journaliste de l'AFP.

Les salariés lanceurs d'alerte sont "laissés seuls face à des groupes d'intérêts puissamment organisés". "C'est le pot de terre contre le pot de fer", affirment ces organisations.

Dans une lettre au président François Hollande, elles ont réclamé mardi "une loi cadre" instituant "une protection globale" des salariés du public et du privé, avec une procédure anonyme de transmission des informations et une pénalisation des entraves ou représailles.

Elles souhaitent également "la création d'une agence indépendante" pour recueillir et publier les alertes et enfin un "fonds de dotation" pour financer les procédures et indemniser les salariés des préjudices subis.

Pour Sophie Binet (UGICT-CGT Ingénieurs, cadres et techniciens), ce jugement "démontre la nécessité absolue d'un vrai statut pour les lanceurs d'alerte" car si la reconnaissance du harcèlement signe "une victoire politique", "il ne répare pas le préjudice" de l'ex-salariée, qui aujourd'hui est "sans emploi et au RSA" et bénéficie d'une réparation "dérisoire".

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