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Un budget 2017 fragilisé par les échéances électorales

Le dernier budget du quinquennat Hollande, qui sera dévoilé mercredi par le gouvernement, risque d'être remis en cause une fois passées les échéances électorales du printemps.

Une perspective qui rend pour le moins hypothétique la tenue des objectifs de Bercy.

"Traditionnellement, les derniers budgets ne tiennent que jusqu'aux élections. Et il n'y a pas de raison que cela se passe différemment cette fois-ci", explique à l'AFP Michel Taly, fiscaliste au sein du cabinet Arsène Taxand et auteur des "Coulisses de la politique fiscale".

En cause: les scrutins présidentiel et législatifs prévus entre avril et juin 2017, puis la formation d'un nouveau gouvernement. Avec à la clé, une probable "loi de finance rectificative", susceptible de modifier les équilibres budgétaires entérinés par le gouvernement précédent.

"Cela arrive pratiquement à chaque élection présidentielle, surtout en cas d'alternance politique", rappelle Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques (IPP). "En général, les nouvelles équipes en place ont la volonté d'agir vite, pour se démarquer du gouvernement précédent", ajoute le chercheur.

Plusieurs candidats de droite ont ainsi annoncé qu'ils reviendraient sur les mesures prévues par le "projet de loi de finance" (PLF) en cas de victoire en 2017 -- à commencer par le prélèvement à la source, censé entrer en vigueur le 1er janvier 2018, mais critiqué par le patronat.

Au-delà de ces réformes, c'est l'équilibre du budget lui-même qui pourrait être remis en cause en cas d'alternance politique. Suppression de l'ISF, réduction du taux de CSG ou de l'impôt sur le revenu: les candidats LR sont en effet unanimes à promettre de fortes baisses fiscales en cas de victoire, quitte à laisser filer les déficits.

Ancien partisan de la "règle d'or budgétaire", Nicolas Sarkozy prévoit ainsi une "dégradation transitoire" des comptes publics, de l'ordre de 4% en 2017 selon son entourage, s'il est élu. Quant à François Fillon, il table sur un déficit de 4,7%, loin des 2,7% annoncés par le gouvernement.

- 'C'est bidon!' -

Que valent, dans ces conditions, les objectifs macroéconomiques de Bercy ? "Pas grand chose", juge le fiscaliste Michel Taly, selon qui la majorité socialiste elle-même - en cas de victoire - pourrait revoir ses équilibres budgétaires, pour tenir compte de dépenses actuellement "sous-évaluées".

"Dire que le déficit sera de 2,7% en 2017, c'est bidon!", a ainsi moqué François Fillon, accusant le gouvernement d'avoir introduit dans son projet de loi de finances plusieurs milliards d'euros de mesures "non financées", comme "le chèque énergie" ou "la convention médicale".

"Il y aura sans doute des grenades dégoupillées", dont l'effet "se fera sentir en cours d'année", abonde Michel Taly. "Si la majorité reste au pouvoir, je ne vois pas comment il sera possible de passer l'été sans être obligé de rectifier le tir", ajoute le fiscaliste.

Difficile cependant de s'affranchir complètement des règles d'orthodoxie budgétaires. Depuis 2013, le gouvernement doit en effet présenter ses projets de budget au Haut Conseil des finances publiques (HCFP), organe indépendant lié à la Cour des comptes, qui évalue la "sincérité" des prévisions élaborées par Bercy.

Avec la création du HCFP, "les prévisions budgétaires ont gagné en sérieux", souligne Antoine Bozio, pour qui les gouvernements "ne peuvent pas faire n'importe quoi". Car si les avis du Haut conseil sont consultatifs, ses jugements comptent... ne serait-ce que pour des questions d'image.

"Le risque, c'est que le budget ne soit sérieux qu'en apparence", estime cependant Gilles Carrez, président LR de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, qui dit redouter des "artifices comptables" de la part du gouvernement.

Des accusations rejetées par le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin, prompt à mettre en avant le "sérieux budgétaire" de Bercy: "il n'y aura aucun dérapage des finances publiques dans ce budget... en tous les cas tant que nous en aurons la responsabilité".

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