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Un rappeur espagnol condamné pour "apologie du terrorisme" fuit son pays pour ne pas purger sa peine

L'Espagne a émis jeudi un mandat d'arrêt international à l'encontre du rappeur Valtonyc, en fuite pour ne pas purger une peine de prison pour "apologie du terrorisme" dans des chansons, relançant un vif débat sur la liberté d'expression.

Alors que Valtonyc avait jusqu'à jeudi pour se rendre à la justice, un haut tribunal espagnol a émis ce mandat, arguant que le rappeur "en fuite" pourrait "se trouver dans un pays de l'Union européenne". Selon des médias espagnols, José Miguel Arenas Beltran, plus connu sous son nom de scène, serait parti en Belgique.

Ce jeune homme de 24 ans, très peu connu avant de comparaître devant les tribunaux, avait été condamné à trois ans et demi de prison pour "apologie du terrorisme", "injures à la Couronne" et "menaces", une peine confirmée en février par la Cour suprême.

Mercredi, le rappeur majorquin avait annoncé dans un tweet son intention de "désobéir": "Demain, ils vont frapper à la porte de ma maison pour me mettre en prison. Pour des chansons. Demain, l'Espagne va se ridiculiser, une fois de plus. Je ne vais pas me laisser faire. Désobéir est légitime", avait-il écrit.


Appel à "tuer" un garde civil

Dans les paroles de ses chansons teintées de militantisme d'extrême gauche, Valtonyc évoque le meurtre de membres du gouvernement, de la famille royale et de partis de droite. "Qu'ils aient peur comme un garde civil au Pays Basque" ou "le roi a un rendez-vous sur la place du village une corde autour du cou", rappe-t-il en catalan dans ces textes de 2012 et 2013 qui lui ont valu sa condamnation. Le rappeur a aussi appelé plus récemment dans un concert à "tuer un garde civil".

Cette fuite de Valtonyc a relancé le débat sur la législation espagnole sur l'apologie du terrorisme et les injures à la Couronne, de plus en plus sujette à controverse.

 Ces derniers mois, plusieurs internautes ou artistes espagnols ont été condamnés pour ces chefs d'accusation, tel le rappeur Pablo Hasel, condamné le 2 mars pour des tweets et une chanson à deux ans de prison. L'organisation Amnesty International ayant notamment a accusé la loi espagnole d'être utilisée pour "réprimer les expressions politiques, surtout sur les réseaux sociaux".


Relents de "franquisme" pour Bardem

Plusieurs juristes se sont indignés de la condamnation de Valtonyc et ont appelé l'Espagne à respecter la législation européenne et à modifier son code pénal.

Pour l'expert en droit international Joan Barata, interrogé par l'AFP, pour qu'il y ait apologie du terrorisme, "il faut démontrer qu'il y a un lien réel entre ce que quelqu'un peut dire quelqu'un et la réalisation d'actes terroristes". Or, pour lui, "Valtonyc a seulement cherché à provoquer, scandaliser".

La présidente de la Plateforme pour la liberté de l'information, la journaliste Virginia Perez Alonso, a elle jugé qu'il y avait "depuis plusieurs années en Espagne une persécution du dissident, de tous ceux qui vont à l'encontre du politiquement correct" avec "la claire intention de provoquer une autocensure".

L'Espagne avait par ailleurs été désavouée en mars par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui a estimé qu'une condamnation de deux indépendantistes catalans pour avoir brûlé en 2007 une photographie du couple royal espagnol violait le droit à la liberté d'expression.

La star de cinéma Javier Bardem a apporté sa voix au débat mardi en jugeant, lors d'une action de soutien à un acteur convoqué chez le juge pour "offense aux sentiments religieux", que les poursuites judiciaires contre des personnes exprimant des opinions renvoyaient l'Espagne à "l'époque du franquisme", la dictature de Franco.

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