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Venezuela: le meurtre d'un opposant électrise la campagne électorale

La tension a grimpé jeudi dans la campagne électorale au Venezuela au lendemain du meurtre d'un dirigeant local de l'opposition, bien placée pour ravir le 6 décembre la majorité parlementaire au chavisme pour la première fois en 16 ans.

En plein meeting, Luis Manuel Diaz, secrétaire général de l'Action démocratique (AD) à Altagracia de Orituco (Etat de Guarico, centre), a été tué par balle mercredi soir alors qu'il se trouvait sur une estrade aux côtés de Lilian Tintori, épouse du leader de l'aile radicale de l'opposition Leopoldo Lopez, actuellement emprisonné.

C'est le député Henry Ramos Allup, également secrétaire général national de ce parti d'opposition et candidat aux élections, qui a donné l'alerte sur Twitter, accusant des "bandes armées" liées au Parti socialiste (PSUV) au pouvoir d'avoir mené l'attaque.

Le président Nicolas Maduro lui a répondu jeudi dans un discours enflammé à Portuguesa (ouest), devant des centaines de ses partisans: "L'enquête scientifique et les témoignages de ceux qui étaient sur place montrent déjà que c'est totalement faux et ceci est une accusation téméraire".

Pour le dirigeant socialiste, il s'agissait d'"un règlement de comptes entre bandes rivales".

Deux procureurs ont été désignés pour mener l'enquête.

Le Venezuela est l'un des pays les plus violents au monde avec, selon les derniers chiffres publiés par l'ONU, 53,7 homicides pour 100.000 habitants en 2012 (contre un pour 100.000 en France, par exemple).

Ce meurtre survient à dix jours des élections législatives visant à renouveler les 167 députés du Parlement monocaméral.

Le scrutin est organisé dans un climat historique, l'opposition étant donnée largement favorite, soutenue par une population lasse de la crise économique mêlant inflation galopante et pénuries au quotidien.

La majorité des sondages lui attribuent 14 à 35 points d'avance, ce qui lui permettrait de remporter la majorité parlementaire pour la première fois depuis l'arrivée au pouvoir en 1999 de Hugo Chavez, décédé en 2013, et auquel a succédé Nicolas Maduro.

- "Provoquer la peur" -

Pour l'analyste Francine Jacome, directrice de l'Institut vénézuélien d'études sociales et politiques, s'il est prouvé que ce meurtre a des motivations politiques, son objectif "aura été de provoquer la peur" et décourager les électeurs.

"Mais cela pourrait avoir l'effet inverse et stimuler le vote", prévient-elle, soulignant que "tout ce qui se passe est un signal d'alarme pour les situations de violence qui pourraient survenir le jour des élections et après".

"Ils veulent terroriser les Vénézuéliens", a affirmé Lilian Tintori, désormais une figure incontournable de l'opposition, estimant que Nicolas Maduro "est le responsable direct" de ce meurtre.

La coalition regroupant une trentaine de partis d'opposition, la Table pour l'unité démocratique (MUD), a elle aussi accusé le gouvernement d'être responsable "par action et par omission de tout acte de violence au Venezuela".

Elle a appelé l'Organisation des Etats Américains (OEA), les Nations unies, l'Union européenne et même le Vatican à "exiger du gouvernement et du PSUV qu'ils dénoncent publiquement l'usage de la violence comme arme politique".

L'opposition a déjà dénoncé plusieurs incidents ayant impliqué ses dirigeants ces dernières semaines, dont une attaque armée contre l'ex-candidat à la présidentielle, Henrique Capriles.

La Mission électorale de l'Union des nations sud-américaines (Unasur), établie au Venezuela depuis la semaine dernière, a déploré la mort de l'opposant, exprimant "son rejet le plus déterminé de tout type de violence qui puisse affecter le déroulement normal du processus électoral" et appelant à "une enquête exhaustive sur ce fait condamnable".

L'Unasur est la seule organisation internationale autorisée à accompagner le prochain scrutin législatif par les autorités électorales vénézuéliennes, qui ont refusé les missions d'observation des Nations Unies, de l'OEA et de l'Union européenne.

L'ancien Premier ministre espagnol José Luis Zapatero et l'ex-président panaméen Martin Torrijos participeront à une "mission spéciale d'accompagnement international" du scrutin, a annoncé jeudi le Conseil national électoral.

"L'assassinat d'un dirigeant politique est une blessure mortelle pour la démocratie", a regretté jeudi le secrétaire général de l'OEA, Luis Almagro, tandis que le Parlement européen réitérait sa "volonté" d'envoyer une délégation pour les élections.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo, a lui appelé Caracas à "enquêter à fond et amener les assassins devant la justice", mais aussi à "garantir à tous les Vénézuéliens le droit de voter en paix".

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