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Zimbabwe: pour ses 93 ans, Mugabe repousse l'idée d'un retrait

Le président du Zimbabwe Robert Mugabe, plus vieux dirigeant en exercice de la planète, a célébré samedi son 93e anniversaire lors de luxueuses agapes où il a évoqué sa future disparition mais repoussé l'idée d'un éventuel retrait.

Coiffé d'un grand chapeau de cowboy noir, le dirigeant, dont la faiblesse s'accroit avec l'âge, a observé de longues pauses pendant un discours de plus d'une heure, allant parfois jusqu'à marmonner devant des milliers de partisans rassemblés près de Bulawayo, la deuxième ville du pays.

"Il n'est pas toujours facile de prédire que, bien que vous soyez en vie cette année, vous serez en vie l'an prochain", a-t-il dit.

"Peu importe que vous vous sentiez en bonne santé. C'est à celui qui nous appelons le Dieu tout puissant qu'il revient de décider si vous allez continuer de vivre et y prendre du plaisir", a-t-il ajouté.

"Nous devons remercier le Dieu tout puissant qui a permis que je vive de 92 à 93 ans, mais bien plus que j'ai pu vivre de l'enfance à ce jour, a-t-il dit, évoquant "un long, long voyage".

Comme chaque année, le banquet a conclu une semaine d'extravagances à la gloire du chef de l'Etat, qui dirige sans partage l'ex-colonie britannique depuis son indépendance en 1980.

D'un coût estimé à un million de dollars, ces ripailles gargantuesques suscitent la colère d'une population dont la quasi-totalité est privée d'emploi formel et souffre de pénuries alimentaires dans un pays au bord de la ruine.

Pour son 92e anniversaire en 2016, Robert Mugabe avait servi à ses invités de la viande d'éléphant et de buffle à foison et un énorme gâteau d'un poids, en kilos, équivalent à son âge.

Cette année, l'un des nombreux gâteaux d'anniversaire représentait l'une des limousines Mercedes Benz du président.

Ces frasques se sont doublées cette fois d'une polémique historique.

La fête s'est tenue dans le parc national de Matobo (sud), près d'un site où reposent les victimes d'une des vagues de répression les plus meurtrières ordonnées par Robert Mugabe.

En février 1982, sa tristement célèbre 5e brigade, entraînée par la Corée du Nord, avait fait dans cette région du Matabeleland quelque 20.000 morts parmi les partisans de son compagnon de lutte devenu rival Joshua Nkomo.

"Cela ne devrait pas être un lieu de célébration", a déclaré à l'AFP Mbuso Fuzwayo, un porte-parole du groupe de pression Ibhetshu Likazulu. "Toute la région est une scène de crime où les os des victimes des massacres de Gukurahundi sont enterrés"

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- 'Irremplaçable' -

Loin de ces critiques, Robert Mugabe a profité de la célébration de ses 93 ans pour s'affirmer bien décidé à perpétuer son règne.

"Certains en petits comités disent que 'Mugabe doit partir', je demande 'où dois-je aller ?'. Si la ZANU-PF dit 'vous devez vous retirer, je me retirerai", a-t-il ajouté, trois mois après que le parti au pouvoir l'eut investi candidat à l'élection présidentielle de 2018.

"La majorité des gens pensent qu'il n'y a personne pour me remplacer", avait-t-il assuré auparavant lors d'un entretien télévisé.

Depuis mardi, jour de son anniversaire, les médias d'Etat rivalisent de compliments à son endroit.

Le quotidien The Herald a publié 24 pages de messages de félicitations de ministres et de soutiens du régime, la radio et la télévision ont inondé leurs ondes de chansons à sa gloire.

"C'est un honneur et un privilège de partager une célébration avec une telle icône lumineuse", a renchéri à l'AFP un cadre local de son parti, Sibongile Ndiweni.

Robert Mugabe s'est jusque-là toujours gardé de nommer un dauphin. Mais sa deuxième épouse Grace, 51 ans, de plus en plus active au sein du parti, fait figure de favorite.

Toujours très respecté de ses pairs du continent, l'ancien instituteur continue à imposer son autorité après 36 ans de pouvoir, notamment grâce à une police omniprésente.

Toutes les écoles autour de Bulawayo ont été fermées jeudi et vendredi et mobilisées pour l'anniversaire.

"On a dit à nos enfants que leurs classes ont été transformées en lieux d'hébergement", s'est plaint à l'AFP le poète et opposant Desire Moyo. "Et ils vont devoir participer de force à la fête..."

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