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"La belle et la meute", une héroïne ébranlée mais pas domptée

Une Tunisienne, Mariam, est violée en marge d'une fête à Tunis par des policiers. "La belle et la meute" suit pendant une nuit la jeune femme, déterminée à porter plainte malgré les humiliations et les menaces.

Tourné en neuf plans-séquences, ce long métrage, dans les salles mercredi, s'ouvre sur une atmosphère de fête: un groupe d'amies, insouciantes et élégantes, s'apprêtent dans des toilettes. Dans la salle à côté, une soirée étudiante bat son plein, garçons et filles dansent au son de la musique orientale.

Dès la scène suivante, l'ambiance change: une des jeunes femmes, Mariam (Mariam Al Ferjani) court dans la rue, en pleine nuit, terrorisée, avant d'être rattrapée par Youssef (Ghanem Zrelli), le jeune homme avec qui elle était sortie prendre l'air un peu plus tôt et qui s'efforce de la rassurer.

Il l'emmène dans une clinique privée, dans l'espoir d'obtenir un certificat médical prouvant qu'elle a été violée afin de pouvoir porter plainte. Mais à l'accueil, la réceptionniste refuse de la présenter à un médecin, sous prétexte qu'elle n'a pas sa carte d'identité, restée comme son sac à main et son téléphone portable dans la voiture des policiers qui l'ont agressée.

Leur périple nocturne se poursuit dans un hôpital public, où ils croisent une journaliste et un caméraman, puis dans deux commissariats où Mariam se retrouve confrontée à ses violeurs. Partout, elle est confrontée aux sarcasmes, aux menaces et à l'absurdité de la machine administrative.

Les longs plans-séquences, entrecoupés d'ellipses, - le viol par exemple n'est pas montré -, et des lumières blafardes renforcent l'atmosphère pesante.

- 'Héroïne contemporaine' -

Le long métrage a été salué au festival de Cannes, où il était présenté dans la section "Un certain regard".

"L'idée est partie d'une histoire vraie (racontée dans le livre "Coupable d'avoir été violée" de Meriem Ben Mohamed ndlr), qui avait été très médiatisée en Tunisie" en 2012, raconte à l'AFP la réalisatrice, Kaouther Ben Hania. "C'est l'histoire d'une femme qui ne se contente pas du statut de victime et qui passe à un statut de demandeuse de justice (...) on a une héroïne contemporaine", poursuit-elle.

A fur et à mesure que la nuit avance, Mariam, qui au départ "a un côté oie blanche", "se découvre face à l'épreuve", explique la réalisatrice. La comédienne Mariam Al Ferjani, le visage défait, exprime avec justesse la peur ressentie par son personnage tout au long du récit, mais aussi son opiniâtreté, lèvres serrées et regard affirmé, quand elle refuse de parapher le retrait de sa plainte rédigée par des policiers.

Si l'héroïne n'est pas politisée, son compagnon d'infortune, le jeune Youssef, l'est en revanche beaucoup plus. Il va la soutenir et "la pousser sur le chemin" pour faire valoir ses droits, dit Kaouther Ben Hania.

Les difficultés d'une femme violée à se faire entendre et à déposer plainte "ne sont pas propres à la Tunisie", rappelle la réalisatrice. Les débats sur les abus policiers sont en revanche peut-être plus vifs qu'ailleurs dans la jeune démocratie, depuis la révolution de 2011 qui a mis fin à la dictature de Zine el Abidine Ben Ali.

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