Accueil Actu

"Zéro chômeur": deux quartiers parisiens au défi du plein-emploi

Ce sont deux micro-quartiers populaires, passés à côté de la dynamique de la "ZAC Rive Gauche" toute proche: c'est ici que vient de démarrer le projet "Territoires zéro chômeur", avec l'ambition de réduire une fracture sociogéographique en plein Paris.

Depuis que les quartiers "Bédier-Boutroux" et "Oudiné-Chevaleret", situés en périphérie du 13e arrondissement, ont été retenus pour mener l'expérimentation, les 300 chômeurs de longue durée qui y vivent peuvent enfin espérer retravailler.

Initiés par ATD Quart Monde et créés par une loi votée à l'unanimité en 2016, les "Territoires zéro chômeur", visent à tester, pendant cinq ans dans dix micro-territoires urbains et ruraux, l'embauche en CDI de demandeurs d'emploi de longue durée, à "temps choisis", payés au Smic, en développant des activités locales.

Cette création d'emplois à petite échelle est financée dans un premier temps par un fonds abondé par l'Etat, puis par la réaffectation de toutes les dépenses (allocations chômage, RSA...) et manques à gagner que fait peser la privation d'emploi sur la collectivité.

"On mobilise l'argent utilisé pour le chômage pour payer des gens à travailler", résumait lors d'un comité de concertation en janvier le maire socialiste du 13e, Jérôme Coumet, qui y voit une "utopie réalisable".

Barres et tours à forte concentration de logements sociaux, de familles monoparentales, population vieillissante, peu qualifiée, taux de pauvreté et de chômage élevés... Bédier-Boutroux et Oudiné-Chevaleret et leurs 6.300 habitants, quartiers classés "politique de la ville", font figure de poches de pauvreté à l'intérieur de la ZAC Rive Gauche, un nouveau quartier "Défense" dont la Bibliothèque François Mitterrand, l'université Paris Diderot sont les fleurons, et où la Halle Freyssinet, futur incubateur de start-up, a élu domicile.

"Mon quartier est au milieu de tout mais quand on rentre dedans c'est vide", témoigne un jeune habitant au chômage.

"Il y a une vraie ligne de fracture: beaucoup ne vont pas dans la ZAC qui renvoie une image +tertiaire+ dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Certains ne connaissent même pas le H&M de l'avenue de France, à 300 mètres", raconte Valérie Normand, l'une des responsables du projet.

L'expérimentation est donc vue comme une occasion de les réintégrer dans cet environnement en pleine mutation.

- 'Passerelle' -

Dans un premier temps, les activités seront créées sur le seul périmètre des deux quartiers: végétalisation de l'espace public, création d'une épicerie solidaire.... Puis, le projet s'étendra aux alentours immédiats, où les gisements d'activités sont plus importants, et pourra alors jouer ce rôle de "passerelle".

Mais générer 300 emplois sur cinq ans, en plein Paris, est loin d'être facile. C'est une "entreprise à but d'emploi" (EBE) qui s'attèle à ce travail de fourmi.

Les activités proposées doivent répondre à de réels besoins du territoire, non encore satisfaits car peu solvables, et ne peuvent en aucun cas concurrencer les entreprises existantes. Elaborées avec les chercheurs d'emploi eux-mêmes, elles doivent aussi produire du chiffre d'affaires pour financer la structure de l'EBE, qui n'a pas vocation à devenir une société d'insertion.

"Des besoins, il y en a plein. Mais pour mettre en face un recrutement et une activité pérenne, l'articulation est subtile", confie Valérie Normand, qui dirige l'EBE "13 avenir".

"On prend le contre-pied de la manière dont l'économie se crée naturellement", analyse Camille Delpey, chef de projet à la Mairie de Paris.

Pour 2017, l'objectif est de 70 emplois, autour de trois pôles: "verdisation" (végétalisation, recyclage de déchets alimentaires...), animation de lieux et appui logistique aux associations.

Une douzaine de personnes sont dans les "starting blocks" pour signer les premiers contrats courant avril.

"La plupart ont plus de 55 ans et sont au chômage depuis trois ans. Ils faisaient des métiers physiques, ils avaient perdu espoir de retrouver quoi que ce soit", dit Valérie Normand.

Mais sur les 35 chômeurs rencontrés, "on a perdu du monde en route. Certains ont trouvé du travail, d'autres préfèrent attendre de voir ce que ça donne".

Les porteurs du projet comptent sur le bouche à oreille, une fois que le processus aura démarré, pour une "montée en puissance".

À la une

Sélectionné pour vous