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A Mossoul, une école transformée en hôpital de guerre

Avec toute la fougue de ses 15 ans, Mohammed se démultiplie pour aider le personnel d'un hôpital de fortune installé, à l'écart du front à Mossoul-Ouest, dans une école. Son école. Où les élèves devaient plaider allégeance au groupe Etat islamique (EI).

L'éducation façon jihadistes, c'était il y a quelques semaines, et ce quartier de la ville a depuis été libéré à la faveur d'une vaste offensive lancée par les forces irakiennes pour reprendre au groupe ultra-radical sunnite la grande métropole du nord du pays.

D'école, l'endroit n'en a guère plus que le nom, inscrit sur une façade couleur sable criblée d'impacts de balles parfois gros comme le poing.

Comme bien des bâtiments dans Mossoul, l'établissement a payé son tribut à la guerre. La plupart des vitres sont brisées, les salles de classe sont vides, leurs murs fissurés et le sol jonché de douilles témoigne des combats qui s'y sont déroulés.

Le hall d'entrée, lui, a été transformé en salle d'urgence. Le matériel y est limité mais permet une prise en charge immédiate des victimes: bouteilles d'oxygène, tiges porte-sérum, chariot mobile chargé de compresses, produits désinfectants et instruments médicaux.

Allongé sur un lit étroit, le visage pâle et fatigué, un jeune homme, cheveux ras et barbe de trois jours, se repose, le pied bandé.

"Un sniper (de l'EI) lui a tiré dessus, mais il l'a manqué. Alors il s'est mis à courir, et le sniper a tiré à nouveau et l'a touché", dit à son chevet Fathi Waad, un de ses proches. "C'est la troisième fois que quelqu'un de la famille se fait toucher par un sniper".

L'hôpital s'occupe quotidiennement d'une centaine de patients, civils et soldats, souvent victimes "de blessures par balles, à la tête, à la poitrine, à la jambe", explique Aqeel Karim, un de ses responsable et membre des forces du contre-terrorisme irakien (CTS).

Pour résumer: "Ici, c'est la guerre".

- Rêve américain -

Mais voilà qu'un pick-up rouge couvert de poussière s'arrête brusquement devant l'école pour décharger un vieil homme à demi-conscient et, lui aussi, blessé au pied. Sitôt arrivé, il est immédiatement transporté sur un lit et sa plaie lavée, désinfectée, pansée.

A la différence du patient précédent, il n'a pas été victime des violences, mais d'un accident domestique, et souffre de déshydratation. La prise en charge de ce type de cas n'en reste pas moins cruciale dans une ville où nombre d'infrastructures médicales ont été anéanties par les combats.

La perspective de reprendre une scolarité en bonne et due forme étant à ce stade incertaine, quelques élèves sont revenus dans leur établissement pour donner un coup de main au personnel médical.

Indifférent au bruit des tirs et explosions qui retentissent ponctuellement, l'un d'eux vibrionne aux quatre coins de l'école: à peine l'a-t-on vu décharger une livraison de matériel que le revoilà à distribuer des rations alimentaires.

Cet adolescent vif et entreprenant, à la silhouette gracile et habillé d'un sweat à capuche bleu, c'est Mohammed Mahmoud, 15 ans.

"On fait la cuisine, on nettoie le matériel et quand il y a des gens blessés qui arrivent, on les aide", explique-t-il, ravi d'avoir troqué les cours sous le joug jihadiste contre une place à l'hôpital.

"Nos professeurs étaient durs, ils nous battaient", raconte l'adolescent. "Et on nous demandait de plaider allégeance à l'Etat islamique".

L'avenir, Mohammed ne l'envisage pas ici, dans les ruines de cette ville défigurée par des mois de combats acharnés. Ce dont il rêve, c'est de partir aux Etats-Unis pour y rejoindre des membres de sa famille.

Et quand on lui demande ce qu'il voudrait faire, plus tard en Amérique, sa réponse sonne comme une évidence: "Médecin!".

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