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Affaire Sauvage: les féministes veulent davantage d'implication contre les violences conjugales

Le cas de Jacqueline Sauvage, graciée par François Hollande après avoir suscité une intense émotion dans le pays, devra se traduire par une amplification de la lutte contre les violences faites aux femmes, plaident les féministes à l'approche des échéances électorales.

"L'affaire Jacqueline Sauvage laisse un goût amer dans la bouche, parce que certes elle est libérée, c'est formidable, mais comment en est-on arrivé à un tel gâchis?", commente Claire Serre-Combe, porte-parole d'Osez le féminisme, auprès de l'AFP.

Cette femme de 69 ans avait subi pendant 47 ans les violences, y compris sexuelles, de son mari dont ses enfants ont également été victimes, avant de le tuer de trois coups de fusil dans le dos en 2012.

Condamnée à 10 ans de prison, elle avait vu sa demande de libération conditionnelle rejetée à deux reprises avant d'obtenir la grâce présidentielle qui a permis sa libération mercredi soir.

"On entend dire à longueur de journée qu'elle n'avait qu'à partir et porter plainte, mais c'est avoir une méconnaissance forte de ce que sont les violences", souligne Mme Serre-Combe.

La psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, souligne l'importance des "phénomènes psycho-traumatiques et d'emprise".

"Les violences sont à l'origine d'un phénomène neuro-biologique, qui entraîne sidération et dissociation", explique-t-elle. Il y a une "déconnexion émotionnelle" qui "anesthésie" la victime et l'empêche de se protéger en allant chercher de l'aide à l'extérieur.

Dans un rapport adopté en février 2016 par la délégation aux Droits des femmes de l'Assemblée, la députée PS Pascale Crozon a recommandé de mieux prendre en compte cette notion d'emprise. C'est également l'objet d'une proposition de loi déposée en mars par la députée LR Valérie Boyer.

Un autre frein au départ est la dépendance économique dans laquelle se trouvent souvent les victimes vis-à-vis de leur conjoint violent.

- Médecins en 'première ligne' -

Chaque année, 220.000 femmes sont victimes de violences conjugales. En 2015, 122 femmes sont décédées, victimes de leurs conjoints, compagnons ou "ex", soit une tous les trois jours.

Le 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes, présenté par la ministre Laurence Rossignol en novembre, a prévu de doubler, à environ 125 millions d'euros sur trois ans, les moyens consacrés à la prévention des violences et à l'accompagnement des victimes.

"Ce plan est très ambitieux mais les violences sont d'une telle ampleur qu'il faut débloquer beaucoup plus de moyens", estime Mme Serre-Combe, affirmant que "rien qu'à Montréal, il existe plus de places d'hébergement pour les femmes victimes de violences que dans la France entière".

De plus, ce plan portant sur la période 2017-2019, il reste à voir s'il sera bien doté des fonds annoncés après l'élection présidentielle.

Des candidats à l'Elysée comme Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont soutenu la demande de grâce de Jacqueline Sauvage. Mais "aucun candidat ne fait de la question de la lutte contre les violences un enjeu de campagne", regrette Mme Serre-Combe. "Concrètement, combien les politiques sont-ils prêts à mettre sur la table pour lutter contre les violences?"

"Quand on entend François Fillon dire qu'il va supprimer 500.000 postes de fonctionnaires, ça veut dire moins de personnes dans les hôpitaux pour accueillir ces femmes, moins de policiers et de gendarmes pour recueillir leurs plaintes, moins de magistrats pour les instruire. Voilà pourquoi on est très inquiètes dans cette période."

Ces dernières années, l'arsenal a été renforcé: ordonnance de protection en 2010, éviction du conjoint violent du domicile ou encore généralisation des téléphones grand danger pendant le quinquennat Hollande.

La formation des professionnels a aussi été améliorée. Le Dr Salmona regrette cependant que les médecins, qui sont "en première ligne" pour détecter les violences, ne soient "pas formés pendant leurs études initiales en psycho-traumatologie, réalité des violences et leurs conséquences sur la santé".

Les associations féministes souhaitent que l'accent soit mis également sur la prévention: grandes campagnes d'information, éducation à l'égalité femmes/hommes dès le plus jeune âge.

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