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Afghanistan: les traces du martyre dans la base attaquée

La mosquée verte est balafrée, défigurée par les impacts de balles, les traces d'explosions et les taches de sang, innombrables, qui racontent le martyre des jeunes recrues afghanes abattues vendredi sur leur base par un commando taliban.

Quelques journalistes dont un correspondant de l'AFP ont pu filmer mardi le site visé par la plus meurtrière attaque jamais perpétrée en Afghanistan.

Washington a fait état mardi d'un bilan d'au moins 144 morts, bien que les autorités afghanes s'en tiennent officiellement à "plus de cent morts et blessés".

Les images témoignent de la brutalité sans retenue des assaillants dans la plus grande base du nord du pays, qui s'étend sur des kilomètres dans la campagne et abrite le 209e Corps d'Armée, à une quinzaine de km de Mazar-è-Charif.

Ils étaient officiellement une dizaine à faire irruption en début d'après-midi à l'heure de la prière, à bord de humvee et de camions militaires équipés de mitrailleuses.

Une source de sécurité haut placée a indiqué à l'AFP que "les assaillants portaient des uniformes des forces spéciales afghanes et des laisser-passer en règle", ce qui étaye le soupçon de complicités au sein de la base qui compte près de 30.000 hommes.

"Quatre d'entre eux (les assaillants) étaient des anciens de la base" et connaissaient donc les lieux, selon cette source qui insiste sur "l'extrême préparation de l'opération".

Détail que seuls des hommes avertis pouvaient connaître, ajoute-t-elle: "Aucun soldat, dans cette partie de la base, n'est autorisé à porter une arme" car des instructeurs occidentaux peuvent être amenés à y intervenir, dans le cadre des opérations de l'Otan.

Le commando a franchi le premier contrôle, un immense portique gardant l'entrée du vaste site "en arguant avoir un blessé grave à son bord".

"Interpellé au deuxième contrôle par un officier soupçonneux, deux d'entre eux ont déclenché leur charge explosive", tandis que les autres poursuivaient leur route à toute allure vers la mosquée, à un kilomètre de l'entrée environ.

- Du sang jusqu'au plafond -

"Après que les premiers combats ont éclaté, l'un des (assaillants portant l'uniforme des) forces spéciales s'est précipité dans la mosquée: Il a enjoint aux soldats, forcément paniqués, de se regrouper dans une pièce pour soi-disant les mettre en sécurité. Et là, il s'est fait exploser", poursuit la source, qui a eu accès au site et aux témoins.

"Le reste du commando a tué les survivants..."

Le ciment vérolé des façades porte les stigmates de l'assaut sauvage. Sur le seuil de la mosquée, un kamikaze a déclenché sa veste explosive qui a laissé des traces de brûlures noires au mur et des éclaboussures de sang, multiples, jusqu'au plafond.

Dans la salle des ablutions, des taches rouge brun souillent les carrelages, qui furent sans doute des mares de sang. Il a fallu sortir les grands tapis, entassés sous le soleil.

Un jeune homme de 19 ans, Mohammad Qurban, hospitalisé à Mazar, avait déjà rapporté au lendemain de l'assaut à l'AFP une plongée en enfer dans une salle en rez-de-chaussée: "Leur chef est entré, il a crié: +Visez la tête!+. J'ai sauté par la fenêtre, mes amis ont été tués".

Un peu plus loin, le réfectoire a littéralement explosé sous le souffle des mitrailleuses: toits éventrés pendant dans le vide, structures métalliques effondrées.

Zabiullah, 22 ans, a raconté à l'AFP qu'il déjeunait au réfectoire "quand un camion a freiné devant nous avec quatre hommes habillés en soldats à son bord. Deux sont entrés et ont ouvert le feu. Les deux autres restés à bord ont commencé à tirer avec une mitrailleuse".

Le commandant du 209è Corps d'Armée, Mohmand Katawazi, croisé mardi sur la base, dit espérer que les responsables de cette horreur seront appelés à rendre des comptes.

Lui-même a été muté par le président Ashraf Ghani dans la foulée des accusations de complicités lors de cet assaut. Le ministre de la Défense et le chef d'Etat-major ont démissionné lundi.

"J'ai moi-même réclamé une nouvelle affectation" assure le général Katawazi, rejetant la responsabilité sur les gardiens de la base.

"Chacun a ses responsabilité sur une base militaire. Moi je ne garde pas les accès. Je contrôle neuf provinces (du nord et du nord-est NDLR). Mais quelqu'un doit être tenu responsable de cet horrible événement".

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