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Algérie: en 2014, l'assassinat en Kabylie du guide niçois Hervé Gourdel

Guide de haute montagne, Hervé Gourdel, 55 ans, parti explorer les pentes du Djurdjura en Algérie en septembre 2014, est enlevé et égorgé le 24, après un bref ultimatum de ses ravisseurs liés au groupe Etat islamique (EI).

Il est la première victime française revendiquée par des jihadistes contre l'entrée en guerre de la France en Irak, au sein de la coalition anti-EI menée par les Etats-Unis.

Le corps du guide est retrouvé après plus de trois mois de recherches puis rapatrié en 2015. Ses cendres seront dispersées en montagne près de Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes), son village d'attache, aux portes du parc national du Mercantour.

Ne reste de lui qu'une plaque en bois de mélèze sculptée par un collègue et vissée au sanctuaire de la Madone de Fenestre, au pied des sommets. "On est un peu dans l'oubli. C'est le propre d'une actualité qui va à 100 km à l'heure", observe le guide Michel Bricola, très proche d'Hervé Gourdel.

En Algérie, tout a été fait pour effacer cette tâche dans les relations franco-algériennes de l'ère Bouteflika. Après les 200.000 morts de la "décennie noire" des années 1990, les Algériens recommençaient à sortir, randonner, parler tourisme et l'assassinat du guide niçois en Kabylie fut un choc.

Il n'y aura pas de procès des ravisseurs. L'armée les a tués. "Jusqu'à l'enlèvement, le groupe Jund al-khilafa n'avait pas d'existence réelle. Il a été anéanti rapidement, avec l'élimination de la soixantaine de ses éléments", indique Akram Kharief, directeur du site d'information Mena Défense.

En France, "beaucoup de gens ne se rappellent pas qui était Hervé Gourdel et les conditions tragiques de sa mort. Mais (...) comme le meurtre du prêtre Hamel, ce sont des événements qui marquent en profondeur l'opinion", estime Bruno Cautres, chercheur au Centre d'analyse de la vie politique française.

- 'Au mauvais endroit au mauvais moment' -

Lorsque la vidéo de la décapitation parvient en France, le pays est abasourdi, les habitants de Saint-Martin-Vésubie furieux. "On ne peut pas mettre des drapeaux en berne et ne rien avoir fait pour qu'Hervé Gourdel subsiste! (...) Peut-être ne fallait-il pas s'engager dans ce conflit ?!", lâche le maire, Henri Giuge. "J'ai été cité dans les Grandes Gueules de la semaine. Jusqu'au moment où ma secrétaire m'a dit +le préfet veut que tu cesses toute interview+", raconte-t-il aujourd'hui.

Des milliers de personnes manifestent dont des musulmans qui affirment être eux aussi de "méchants et sales Français" en référence aux menaces de Daech. L'opinion, d'abord mitigée, bascule dans le soutien à la guerre.

La veuve d'Hervé Gourdel choisit la discrétion. Enseignante en maternelle, Françoise Grandclaude ne donne presque aucune interview. "Je ne me sens pas intellectuellement capable de faire çà, et je n'ai pas envie de me mettre en avant, ni de toujours évoquer ça", a-t-elle déclaré récemment à l'AFP.

Elle a parrainé de sa présence le festival Images et Montagnes en juillet 2017, la rando-trail en hommage à Hervé Gourdel pour faire gravir la montagne à des personnes en fauteuil le 1er octobre et se concentre sur l'avenir de leur fils Erwan, 19 ans, futur guide. Hervé Gourdel avait aussi une fille aînée.

Toute la famille est retournée en Algérie en avril 2015: "Il y avait une volonté de l'Etat algérien et nous, on voulait voir l'endroit où il avait été enlevé (le carrefour de Tizi Nkoulal à Bouira, toujours surveillé par l'armée, ndlr) et où il avait été enterré (le village de Takhelidjt)", raconte sa compagne.

"Hervé n'était ni diplomate, ni coopérant. Il avait été formateur pour des accompagnateurs montagne dans l'Atlas au Maroc. Il était allé faire de l'escalade en Jordanie, du ski de randonnée au Liban. Et puis, en fait, il était au mauvais endroit au mauvais moment", raconte-t-elle.

"La semaine avant, des touristes s'étaient faits rackettés et là, le groupe a fait allégeance à Daech. Au départ, c'est souvent des bandits, un peu un truc d'opportunité, c'est ce qu'on nous a dit au Quai d'Orsay. Maintenant, savoir si la France fait bien ce qu'elle doit faire, je suis incapable de répondre, c'est quand même un vaste débat", ajoute-t-elle.

A l'évocation du site de la Madone de Fenestre, elle essuie des larmes. Ils vivaient ensemble depuis dix-neuf ans.

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