Accueil Actu

Argent du cannabis transformé en or: 27 personnes renvoyées en correctionnelle

Des dizaines de millions d'euros issus de la vente du cannabis convoyés à Dubaï ou convertis en or en Belgique: vingt-sept personnes ont été renvoyées en correctionnelle pour avoir participé à un réseau "hors norme" de blanchiment.

Les juges d'instruction ont ordonné le 24 mars un procès pour Sayed Maricar, un Indien de 35 ans résidant en Seine-Saint-Denis, et vingt-six autres protagonistes français, indiens ou marocains, a indiqué mercredi une source judiciaire, confirmant une information du Parisien.

Tous sont soupçonnés d'avoir été impliqués à des degrés divers, entre 2010 et 2014, dans un des plus importants réseaux de blanchiment de l'argent de la drogue "jamais démantelés" en France, d'après le procureur de Paris François Molins. Le système était méticuleusement organisé entre l'Europe, le Maroc, les Émirats arabes unis et l'Inde, aussi sophistiqué dans son architecture qu'artisanal dans ses méthodes.

Mandaté par des trafiquants au Maroc, un "banquier", surnommé le "saraf", chargeait des "collecteurs" en France, parfaitement insérés dans la société, de rassembler l'argent du trafic: un chauffeur de taxi, un hôtelier parisien, des épiciers des Hauts-de-Seine ou encore le gérant d'une société d'ambulances qui, dans son local professionnel, faisait tourner jour et nuit une machine à compter les billets.

"Ils percevaient une commission de 1% à 2% des fonds collectés. On a à faire à des travailleurs honnêtes qui sont tombés pour l'appât du gain", estime Yassine Yakouti, avocat de l'un d'eux.

L'argent était ensuite remis aux équipes de Sayed Maricar, qui le convoyaient jusqu'à Dubaï ou en Belgique où il était converti en or. Le précieux métal était à son tour acheminé aux Émirats arabes unis ou en Inde.

Les sommes blanchies sont colossales. Les juges établissent dans leur ordonnance que Sayed Maricar, à la manoeuvre depuis Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) où il vivait en toute discrétion, a récupéré de mars 2010 à octobre 2012 près de 109 millions d'euros et de mai 2013 à mars 2014 plus de dix millions, selon une source proche du dossier.

Autre chiffre éloquent: à elle seule, une des "mules" a raconté aux enquêteurs avoir procédé à 41 collectes d'argent pour un montant de près de 5,7 millions.

- "Rétrovirus" -

Pour transporter l'or de Bruxelles à Dubaï par avion, le réseau recrutait des passagers qui voyageaient avec des bracelets, colliers, bagues... "Ils avaient calculé qu'une personne pouvait transporter en un seul voyage jusqu'à huit kilos", relève une source proche de l'enquête. Transformer l'or en poudre pour le mélanger à du café moulu a également été envisagé, ajoute-t-elle.

Sayed Maricar s'appuyait aussi sur des sociétés qui lui permettaient, via des fausses factures, de justifier le transport d'or.

Au moins 7,1 millions d'euros d'or ont été récupérés entre mars 2013 et mars 2014, avant d'être transportés à Dubaï ou en Inde, chiffrent les juges.

Grâce au trafic, Sayed Maricar, chômeur au train de vie modeste en France, envisageait d'acquérir un hôtel de 100 appartements à Dubaï et 44 terrains en Inde où il possédait déjà plusieurs biens.

Interpellé en mars 2014, il est depuis placé en détention provisoire et a admis, durant l'instruction, vivre de "ses activités illégales de collecte en Europe et de contrebande d'or en Inde". Parmi les autres protagonistes renvoyés en correctionnelle, le "banquier", son frère et quatre autres personnes font l'objet d'un mandat d'arrêt.

Cette enquête a été baptisée "Rétrovirus", en référence au dossier "Virus", une autre affaire de blanchiment du trafic de stupéfiants qui utilisait des fraudeurs fiscaux, notamment une élue écologiste parisienne, pour réinjecter l'argent du cannabis. Deux circuits de blanchiment parallèles: le démantèlement de "Virus" en 2012 avait conduit des trafiquants à se rabattre vers "Rétrovirus".

D'après une étude de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) fin 2015, le trafic de stupéfiants a généré un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d'euros en 2010 en France. Le cannabis représente à lui seul 1,1 milliard.

À la une

Sélectionné pour vous