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Au Cachemire indien, l'Aïd dans les larmes et la colère

Le premier était le symbole de l'insurrection séparatiste au Cachemire indien, le second une victime collatérale de l'interminable violence. Pour les familles de Burhan Wani et Riyaz Ahmed Shah, les célébrations de l'Aïd ont débuté par un pèlerinage au cimetière.

"Lorsque Burhan nous a quittés, il est mort pour la cause et est devenu le fils de tout le Cachemire. Donc je remercie Dieu sans cesse que mon fils ait été sacrifié", déclare calmement à l'AFP Muzaffar Wani.

Rebelle charismatique de 23 ans, très suivi sur les réseaux sociaux où il posait avec des Kalachnikov, Burhan Wani a été tué par les forces de sécurité indiennes dans une fusillade début juillet.

Sa mort a embrasé le Cachemire indien, que se disputent New Delhi et Islamabad depuis 1947, et plongé la région dans l'un de ses pires cycles de violences depuis la décennie noire des années 1990.

Depuis le décès de Burhan Wani, les troubles ont coûté la vie à quelque 80 Cachemiris en deux mois. Parmi eux, Riyaz Ahmed Shah.

Alors qu'il rentrait du travail, ce garde de sécurité de 22 ans a été abattu sans raison apparente à l'aide d'un fusil à plomb, arme des forces de sécurité indiennes. La grenaille lui a déchiré les entrailles.

"Riyaz n'a jamais participé aux manifestations, il n'a même jamais ramassé de pierres (pour lancer sur les militaires). C'était quelqu'un de très responsable, tout ce qu'il voulait c'était que la famille ait à manger", raconte à l'AFP sa sœur Amina, en ravalant difficilement ses larmes, dans la maison familiale de Srinagar, la grande ville de la vallée.

Pour la famille Shah, le traditionnel festin de mouton et de poulet de l'Aïd a été remplacé par de simples plats de lentilles et de riz.

"Nous n'arrivons toujours pas à réaliser ce qu'il s'est passé, nos cœurs sont en colère", confie Shahina, une autre sœur.

La plus grand fête musulmane a un goût particulièrement amer cette année à Srinagar, capitale estivale de l'Etat du Jammu-et-Cachemire.

Alors que la période de festivités fait normalement le bonheur des commerçants, les rideaux de fer des échoppes restent tirés.

Dans le ciel bourdonnent drones et hélicoptères. Internet et les réseaux mobiles sont inaccessibles.

Craignant les débordements liés au rassemblements de masse, les autorités indiennes ont interdit les prières dans la plus grande mosquée de la ville.

- 'Fier du sacrifice' -

A 30 kilomètres au sud-est de Srinagar, Tral est la ville d'origine de Burhan Wani.

Ici, des drapeaux pakistanais flottent sur le toit des maisons. Des graffitis dénoncent les "chiens d'Indiens".

Depuis la mort du jeune chef séparatiste le 8 juillet, la commune est à l'arrêt. Les écoles sont fermées, les transports publics suspendus.

L'un des seuls endroits où règne une certaine activité est la maison des Wani. Un flot continu de visiteurs vient rendre ses hommages au père de celui que les Indiens considèrent comme un "terroriste".

Muzaffar Wani a perdu deux fils aux mains de l'armée indienne. Le grand frère de Burhan, Khaled, aurait été torturé à mort l'année dernière après avoir été intercepté au retour d'une réunion clandestine avec son frère.

Tous deux reposent désormais dans la section des "martyrs" du cimetière de Tral, où sont inhumées les personnes mortes pour la cause séparatiste cachemirie.

"Je suis fier de leurs sacrifices", affirme M. Wani. Derrière lui, une bannière proclame en ourdou: "Burhan, ton sang amènera la révolution".

Et puis l'homme ajoute: "Bien sûr que je suis triste aussi mais j'essaye de ne pas trop en parler. J'ai peur que ça affaiblisse ma résolution".

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