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Avortement en Amérique latine, 4 voix, 4 situations

Légaliser ou non l'avortement ? Le rejet récent par le Sénat argentin d'une loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse n'a pas mis fin au débat, bien au contraire, en Amérique latine, une région où cette pratique reste largement criminalisée.

Au Guatemala, le Parlement s'apprête à examiner dans les prochains jours deux propositions de loi diamétralement opposées sur l'avortement. Au Brésil, le tribunal suprême fédéral examine un recours pour que l'avortement, puni de trois ans de prison, ne soit plus considéré comme un crime. Au Chili, une centaine de députés ont récemment déposé un texte autorisant l'avortement.

Quatre femmes dans divers pays de la région ont confié leur expérience à l'AFP.

. Cuba: "C'est un droit, pas un jeu"

Josefa, maîtresse d'école de 46 ans, vit à la Havane. En 1965, Cuba fut le premier pays latino-américain à légaliser l'avortement jusqu'à la huitième semaine de grossesse.

"Je suis tombée enceinte à 23 ans. J'ai eu mon premier enfant et on m'a dit que je ne pourrai pas en avoir d'autre (...) Quand je suis tombée enceinte, cela a été une surprise : je faisais mes études et j'ai décidé d'avorter. J'ai avorté trois fois. Puis j'ai eu une autre fille qui a maintenant douze ans.

A Cuba, nous avons le droit d'avorter, mais je dois reconnaître que de nombreuses femmes l'utilisent comme une méthode de contraception et y ont recours sans discernement. Cela peut provoquer de graves problèmes de santé. Nous avons le droit de choisir, mais nous devons avoir conscience que ce n'est pas un jeu."

. Salvador: "Discriminées parce que femmes"

Elsi Rosales, paysanne de 27 ans, a été traumatisée par une grossesse qui s'est soldée par la mort de son bébé. Même s'il ne s'agissait pas d'un avortement, mais d'un accouchement sans assistance, son histoire reflète la sévérité avec laquelle, depuis 1998, le Salvador punit l'avortement ou la perte d'un foetus quelles que soient les circonstances, avec des peines allant jusqu'à 40 ans de prison.

"J'étais enceinte, à 38 semaines de grossesse (...) Le 4 août 2017, je travaillais aux champs (...) J'ai ressenti une douleur en bas du dos, je ne savais pas ce qui m'arrivait. J'ai eu envie d'aller aux toilettes, au milieu de mes efforts, l'enfant est né (...) et j'ai perdu connaissance.

"On m'a transportée à l'hôpital avec une hémorragie. Le médecin qui m'a reçue m'a demandé ce qui s'était passé et a déposé plainte. J'ai été emmenée au poste de police, emprisonnée pendant un mois, puis transférée dans un centre pénitentiaire", accusée de meurtre. Elle passera 10 mois en prison.

"Ce système judiciaire est discriminatoire à notre égard parce que nous sommes des femmes."

. Mexique : "éviter les enfants non désirés"

L'avortement à Mexico est légal depuis 2007 jusqu'à la 12e semaine de grossesse. Dans les autres Etats, il est autorisé en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Dans l'Etat de Guanajuato, avorter est passible de 30 ans de prison.

Monse Castera, agent artistique de 32 ans, a avorté à trois reprises, une première fois en France, puis deux fois à Mexico, "où l'avortement était déjà légal".

"Ces expériences ne m'ont pas causé de sentiment de culpabilité ou de douleur émotionnelle. L'avortement n'est pas quelque chose dont nous devons avoir honte, il faut l'éviter, mais ce qu'il faut plus que tout, c'est éviter les enfants non désirés. Cela me rend infiniment triste qu'en 2018, une femme ne puisse pas décider de son propre corps. Si les hommes pouvaient tomber enceintes, cette discussion ne serait pas sur la table."

. Uruguay : "Avorter est une décision personnelle"

Mariana Rodriguez, employée de 27 ans, a avorté dans le système hospitalier en Uruguay, où l'IVG a été légalisée en 2013.

"Cela n'a jamais été dans mes projets d'être mère. Je ne me sens pas préparée psychologiquement et je n'ai pas l'instinct maternel. Depuis le premier jour, ma décision a toujours été la même. Le préservatif s'est déchiré, j'ai pris la pilule du lendemain, mais pour une raison inconnue, cela n'a pas marché.

Le processus s'est très bien passé, je me suis sentie accompagnée et je ne me suis pas sentie jugée (...) Ils n'ont pas essayé de me convaincre, la psychologue m'a demandé si j'étais sûre de moi et j'ai fait valoir mon point de vue.

Je suis reconnaissante qu'il y ait une loi en Uruguay, elle est parfaite telle qu'elle est appliquée et elle doit servir d'exemple pour les autres pays."

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