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Bébés échangés il y a 20 ans: 1,88 million d'euros pour les familles, une mère se confie

"J'avais un doute, elle avait plus de cheveux, mais personne ne m'a écoutée", voilà la réaction de Sophie Serrano lorsqu’on lui a présenté sa fille il y a vingt ans. La responsabilité de la clinique et de l’assureur a été reconnue. Sophie s’est confiée à RTL hier, juste avant le jugement.

Ce mardi matin s’est clôturé le dernier chapitre d’une histoire incroyable. Deux familles ont obtenu 1,88 million d’euros. Elles réclamaient initialement 12 millions. Il y a vingt ans, leurs enfants avaient été échangés par mégarde dans la couveuse d’une clinique de Cannes. Le tribunal de grande instance a condamné solidairement la clinique et son assureur, "en réparation des préjudices consécutifs au manquement à cette obligation de résultat".

La clinique et la société d'assurances devront verser 400.000 euros par enfant échangés, 300.000 euros aux trois parents concernés, et 60.000 pour les frères et sœur, au nombre de trois. Les familles ont en revanche été déboutées de leurs demandes formées contre les médecins. D’après leur avocat, les familles se disent soulagées et satisfaites. Sophie Serrano, la mère d’une des deux filles, s’était confiée hier à nos confrères de RTL France. Retour sur une histoire incroyable.


"J'avais un doute, elle avait plus de cheveux, mais personne ne m'a écoutée"

L’affaire a débuté le 4 juillet 1994. Ce jour-là, Sophie Serrano accouchait d'une petite Manon. Atteinte d'une jaunisse, la fillette était placée dans la même couveuse munie de lampes UV qu'une autre nouveau-née, venue au monde le lendemain. Dans la nuit du 8 juillet, elles seront interverties par mégarde et remises à leurs faux parents par une auxiliaire puéricultrice.

Quand on lui amène sa fille, Sophie Serrano a eu un pressentiment. "À ce moment, j'ai un doute. Je m'aperçois qu'elle a plus de cheveux", explique-t-elle. "Ça m'interpelle et je le fais savoir, mais malheureusement on ne m'écoute pas. L'infirmière qui me ramène mon bébé, elle ne m'entend pas, elle ne s'alarme pas", déplore la mère.


L’hôpital estime qu’elles auraient dû s'obstiner: "C'est très petit de leur part, je culpabilise de ne pas avoir insisté"

Dans une autre chambre de l’hôpital, la maman de l’enfant qu’on vient de lui apporter émet également des doutes. Mais il n’y a eu aucune suite. "On ne peut pas mettre de mots", se lamente Sophie Serrano. "C'est de la négligence qui ne devrait pas exister dans un métier avec autant de responsabilités, on n'a pas le droit de faire de telles erreurs", ajoute-t-elle, révoltée.

Les doutes émis par les parents ont été utilisés par la défense de la clinique. D’après les avocats de l’hôpital, les parents auraient dû insister davantage. "C'est un coup bas. C'est très petit de leur part, je culpabilise de ne pas avoir insisté, c'est mettre un couteau dans la plaie. C'est moche", estime la maman. "C'est inestimable ce qu'on nous a fait. Il a bien fallu que les avocats mettent un chiffre, je n'aurai pas pu le mettre. On ne demande pas des milliards pour avoir des milliards", ajoute-t-elle.


"Je ne crois pas que les liens du cœur soient plus forts que les liens du sang"

C’est lorsque sa fille, Manon, a dix ans que les parents se rendent compte de l’erreur. Troublé par l’absence de ressemblance de sa fille, le père demande des tests ADN de paternité. Suite aux examens, Sophie découvrira qu’elle n’est pas non plus la mère. Une enquête est ouverte, et permet aux parents de rencontrer la famille qui élève leur fille biologique. "C'est un moment assez troublant, très bizarre", avait confié en décembre Manon, vingt ans. "On se retrouve devant une femme qui est biologiquement sa mère et qui est une inconnue", explique-t-elle.

Désormais, la relation entre Sophie et Manon est au beau fixe. "Notre relation est plus que fusionnelle", confie Sophie. "On a tellement eu peur de se perdre l'une et l'autre qu'on a eu conscience de l'amour qu'on se porte. Je ne crois pas que les liens du cœur soient plus forts que les liens du sang, je pense qu'ils se valent. Il n'y a aucune différence ni dans mon cœur, ni dans la fratrie. Il n'y a pas besoin du même sang pour se sentir de la même famille", explique-t-elle.

En revanche, les deux familles ne se côtoient pas. "C'est trop difficile, donc chacun prend son chemin parce que c'est tellement bouleversant, c'était le seul moyen de retrouver une certaine stabilité", précise Sophie. Concernant sa fille biologique, elle y pense toujours, mais n’entretient pas de contacts avec elle. "Je l'aime aussi instinctivement, c'est ma fille, mais ce n'est pas évident", explique-t-elle.

Face à l’erreur qui a bouleversé la vie de ces familles, Sophie se veut intransigeante. "C'est quelque chose que je ne souhaite vraiment à personne. Il faudrait des peines exemplaires", affirme-t-elle. Aujourd’hui, son vœu semble exaucé.

Les avocats de la clinique et de la mutuelle n’ont pas encore décidé s’ils allaient interjeter appel. Ils disposent d’un délai d’un mois.

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