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Brésil: le président Temer mobilise ses troupes

Premier président brésilien formellement accusé de corruption, Michel Temer commence mardi à mobiliser ses soutiens au Parlement pour sauver à nouveau son mandat dans cette ultime phase de la crise politique qui déchire le pays.

Le calcul est simple: pour éviter d'être inculpé, il doit s'assurer l'appui d'un tiers des députés.

Dans le cas contraire, il sera traduit devant la Cour suprême et écarté du pouvoir pour 180 jours, le temps de la procédure.

Il s'agirait du deuxième changement brutal en un an à la tête de la grande puissance latino-américaine, après la destitution de Dilma Rousseff (gauche) pour maquillage des comptes publics.

Mais ce vieux renard de la politique a montré depuis le début de la crise qu'il allait lutter jusqu'au bout pour éviter de subir le même sort.

"Le président passe à la phase de la guerre totale pour sauver son mandat", affirmait mardi l'éditorialiste Bernardo Mello Franco, du journal Folha de Sao Paulo, tandis que M. Temer n'avait pas encore réagi à sa mise en accusation.

Sa stratégie: battre en brèche les accusations du procureur-général Rodrigo Janot.

"Pour des raisons personnelles, le procureur général met le pays en péril avec sa croisade politique", critique une source présidentielle citée par le quotidien. Le procureur a aussi requis contre le chef de l'Etat une amende de 10 millions de réais (2,77 millions d'euros) pour "préjudice moral collectif".

- "Crise de représentativité" -

Les spécialistes jugeaient mardi la plupart des parlementaires peu enclins à porter le coup fatal à M. Temer : un grand nombre d'entre eux trempent aussi dans des affaires de corruption.

Le groupe de consultants Eurasia estime à 70% ses chances de mener son mandat à son terme, fin 2018.

"Cette accusation formelle est grave, mais elle ne change pas la situation du président, qui, même affaibli, devrait obtenir au Parlement le nombre de votes nécessaires", explique à l'AFP Ricardo Ribeiro, du cabinet de consultants MCM.

Mais Ricardo Ribeiro considère que l'affaiblissement de M. Temer rend "improbable" l'approbation des mesures d'austérité qui lui permettent pour le moment de s'assurer le soutien des milieux d'affaires.

L'annonce de sa mise en accusation n'a pourtant pas déclenché de mouvement de panique des marchés, comme ce fut le cas quand le scandale a éclaté, à la mi-mai, avec les premières accusations de corruption à son égard révélées par le journal O Globo.

Une heure après son ouverture, la Bourse de Sao Paulo reculait légèrement, cédant 0,27%.

Mais M. Temer devra aussi se méfier du parti social-démocrate (PSDB), allié clé du gouvernement, qui lui est pour le moment resté fidèle au nom des réformes pour sortir le pays de la récession, mais qui pourrait changer d'avis.

D'autant plus que la cote de popularité du président est au plus bas, à 7%, avec 65% des personnes interrogées réclamant son départ, selon un sondage publié samedi par Datafolha.

"Nous vivons une vraie crise de représentativité. Les partis politiques se sont éloignés des couches populaires et des besoins sociaux du pays", déplore auprès de l'AFP Nicolas Crapez, fonctionnaire de 34 ans.

M. Temer est accusé de s'être "prévalu de sa condition de chef de l'État" pour recevoir des pots-de-vin de la part du géant de la viande JBS par l'intermédiaire de l'ex-député Rodrigo Rocha Loures.

Arrêté au début du mois, cet ancien proche collaborateur du président a été filmé en train de recevoir une valise pleine de billets.

- Enregistrement compromettant -

Mais les déboires du président Temer ne s'arrêtent pas là. Rodrigo Janot pourrait formuler prochainement de nouvelles mises en accusation, pour entrave à la justice et association de malfaiteurs.

Selon l'enquête de la police fédérale, dont le rapport a été rendu public lundi soir, il aurait "encouragé" le versement de pots-de-vin pour acheter le silence de l'ex-député Eduardo Cunha.

Artisan de la destitution de M. Rousseff, M. Cunha est aujourd'hui en prison pour son implication dans le gigantesque scandale de corruption Petrobras.

Ces accusations sont fondées sur les témoignages de Joesley Batista, un des propriétaires de JBS, auteur d'un enregistrement clandestin compromettant pour le président Temer le 7 mars dernier.

L'une des principales lignes de défense des avocats de M. Temer est que l'enregistrement a été "manipulé", mais l'expertise de la police estime qu'aucun montage n'a été effectué.

Pire encore, les experts ont déchiffré d'autres extraits compromettants, auparavant inaudibles.

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