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Chine: derrière Liu Xiaobo, le sort incertain des autres dissidents

La sortie de prison et l'hospitalisation du prix Nobel de la paix 2010 Liu Xiaobo, atteint d'un cancer du foie en phase terminale, interroge sur le sort réservé derrière les barreaux aux nombreux autres dissidents chinois.

Âgé de 61 ans, M. Liu avait été condamné en 2009 à 11 ans de réclusion pour "subversion". Figure du mouvement prodémocratie en Chine, il avait corédigé un manifeste, la Charte 08, prônant le respect des droits de l'homme et des élections libres.

Liu Xiaobo est désormais soigné dans un hôpital après avoir bénéficié d'une libération conditionnelle pour raison de santé, a indiqué lundi son avocat. Une équipe de "huit oncologistes réputés" s'occupe de lui dans un hôpital de Shenyang (nord-est), ont par ailleurs assuré les autorités chinoises.

Mais cette libération est loin d'être un pur geste humanitaire, soulignent des associations de défense des droits de l'homme: elle aurait surtout été décidée afin d'éviter l'image désastreuse pour Pékin d'un opposant célèbre décédant derrière les barreaux.

"Vraisemblablement, ils ne voulaient pas qu'il meure en prison. Mais qu'il meure ailleurs", juge Sophie Richardson, directrice pour la Chine de l'ONG américaine Human Rights Watch (HRW).

Les conditions de détention réservées à Liu Xiaobo donnent ainsi peu d'espoir aux autres opposants, moins médiatiques, qui sont encore emprisonnés, notent les soutiens du dissident.

- "Jamais libre" -

"La communauté internationale peut voir que la Chine n'a aucun respect pour les droits de l'homme lorsque même des lauréats du prix Nobel sont traités ainsi", estime l'avocat pékinois Yu Wensheng.

La Chine est depuis longtemps critiquée pour son traitement des militants et des opposants politiques. Mais depuis l'arrivée au pouvoir du président chinois Xi Jinping fin 2012, la pression pesant sur la société civile s'est encore renforcée.

En juillet 2015, plus de 200 avocats et défenseurs des droits de l'homme ont ainsi été interpellés par la police. La plupart ont depuis été libérés, mais six ont été condamnés l'an passé à des peines allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement.

Les tribunaux chinois ont un taux de condamnation de 99,92%, et les enquêtes sont parfois faussées en Chine par des aveux obtenus sous la torture.

Et si les conditions exactes de la libération conditionnelle de Liu Xiaobo ne sont pas claires, il devrait continuer à faire l'objet d'une intense surveillance policière.

"Liu ne sera jamais libre. Il sera toujours étroitement contrôlé par le Parti communiste chinois, comme sa femme l'a été pendant de si longues années", estime le militant chinois aveugle Chen Guangcheng. Lui-même était en résidence surveillée avant de fuir la Chine en 2012 et de s'exiler aux Etats-Unis.

- Morts en prison -

Des défenseurs des droits de l'homme exigent dorénavant de savoir si Liu Xiaobo a bénéficié ou non d'un traitement médical en prison, et pourquoi il n'a pas été libéré plus tôt.

"C'est très difficile de comprendre pourquoi sa maladie commence seulement à être traitée en phase terminale", s'interroge Patrick Poon, chercheur à Amnesty International et spécialiste de la Chine.

Mais Sophie Richardson, de Human Rights Watch, note que les cas en Chine "d'opposants pacifiques qui deviennent gravement malades et parfois qui meurent en détention" ne sont pas rares.

Parmi eux figure le moine tibétain Tenzin Delek Rinpoche, décédé en prison en 2015 au bout de 13 ans d'incarcération, après une condamnation pour terrorisme et séparatisme.

La dissidente chinoise Cao Shunli, dont la mort en prison avait été annoncée début 2014, était décédée après "une tuberculose et une pneumonie aiguë", d'après Pékin.

Et pour Sophie Richardson, l'état actuel de Liu Xiaobo relève en partie de la responsabilité du président chinois.

"Si Xi affirme publiquement que la Chine est un pays régi par l'Etat de droit, alors comment une telle chose a-t-elle pu se produire?"

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