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Contrôles au faciès: l'Etat se pourvoit en cassation

Condamné pour "faute lourde" en juin pour des contrôles discriminatoires, l'État s'est pourvu en cassation, une décision que "déplorent" des associations de défense des droits de l'Homme déterminées à mettre fin au "scandale des contrôles au faciès".

Aussitôt connue la décision, divulguée vendredi dans Le Monde, plusieurs organisations comme le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'Homme, ont demandé au gouvernement de "revoir sa position".

Europe Écologie - Les Verts a fait part de sa "consternation", estimant qu'avec ce pourvoi, "le gouvernement ajoute une faute politique à la faute de l'État".

"On est atterrés", a réagi auprès de l'AFP Slim Ben Achour, avocat des plaignants. "Est-ce que pour la troisième fois, l'État va dire que les principes d'égalité et de non-discrimination ne s'appliquent pas aux contrôles de routine?"

"L'État assume une pratique de ségrégation", a accusé l'avocat, notant un problème de "cohérence politique".

Pendant sa campagne présidentielle, François Hollande s'était engagé à lutter contre les contrôles au faciès. Une fois élu, il avait abandonné l'idée d'un récépissé remis après chaque contrôle d'identité. Le matricule a cependant fait son retour sur les uniformes et le code de déontologie de la police a été réformé. Les citoyens ont aussi désormais la possibilité de saisir directement la "police des polices".

Mais les opposants, associations de banlieue et de défense des droits de l'Homme, n'avaient pas abandonné. Me Félix de Belloy et Me Ben Achour avaient rassemblé 13 dossiers, espérant faire condamner l'Etat.

- Une première -

Après un échec en première instance en octobre 2013, les plaignants étaient revenus en appel, soutenus cette fois par le Défenseur des droits, qui recommandait d'encadrer davantage les contrôles d'identité et d'offrir des "garanties" contre les abus.

En face, l'avocate de l'État, Me Claire Litaudon, avait plaidé que dans chacun des treize cas, le contrôle était "justifié". Selon l'avocate, la question des contrôles d'identité abusifs ne devait pas se jouer dans les tribunaux mais au Parlement, en décidant, si besoin, de modifier le code de procédure pénale. La représentante du ministère public avait abondé dans son sens, demandant la confirmation des décisions prises en première instance.

La cour d'appel avait tranché, jugeant que dans cinq cas étaient réunies des "présomptions graves, précises et concordantes" permettant d'établir que les contrôles ont été réalisés "en tenant compte de l'apparence physique et de l'appartenance, vraie ou supposée à une ethnie ou une race" et que l'autorité publique avait échoué à démontrer en quoi ces contrôles étaient "justifiés".

Elle avait ordonné à l'État de verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun des plaignants concernés. Pour leurs avocats, qui se sont pourvus en cassation pour leurs huit clients n'ayant pas obtenu gain de cause, la reconnaissance de la faute de l'État dans cinq dossiers était une "première", ouvrant la voie "à des actions en justice pour demander réparation".

Le pourvoi en cassation de l'État intervient dix ans presque jour pour jour après les émeutes qui avaient embrasé les quartiers populaires, et alors que le président de la République a fait de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme une "grande cause nationale" pour l'année 2015.

Le 8 octobre, François Hollande déclarait: "La République ne connaît pas de races ni de couleurs de peau. Elle ne reconnaît pas de communautés. Elle ne connaît que des citoyens, libres et égaux en droit. Et ce n’est pas négociable", ont aussi fait remarquer les associations.

"Dans le contexte actuel, c'est juste catastrophique", s'est alarmé Lanna Hollo, d'Open society justice initiative, qui avait soutenu les plaignants. "Ces contrôles mettent de la méfiance entre la police et la population, avec le sentiment d'être des citoyens de seconde zone. Cela crée un terrain favorable à la radicalisation."

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