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Dans l'est de l'Ukraine, l'armée, les rebelles, et entre eux coule une rivière

Dans la région de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, une rivière de 50 mètres de large sépare les positions ukrainiennes de celles des rebelles. C'est un point de passage emprunté illégalement par de nombreux civils pour passer, en barque, d'une zone à l'autre.

Jusqu'à présent le calme y règne. Et les combattants sont physiquement si proches qu'ils connaissent le visage de leurs ennemis.

"On se voit en permanence durant la journée. Et c'est pourquoi il y a une sorte d'accord tacite selon lequel il ne faut pas déclencher les hostilités. C'est un accord verbal", raconte un rebelle de la République populaire autoproclamée de Lougansk (LNR), répondant au nom de guerre "Tchekh".

Lorsque cet homme de 30 ans s'approche des berges, c'est toujours après avoir posé au sol sa kalachnikov. Cela fait partie de ces règles officieuses qui permettent de préserver le cessez-le-feu.

A quelques kilomètres de là, les combats se poursuivent. "De notre côté du front, c'est calme. Mais un peu plus loin, il y a eu trois morts (récemment). On a tiré sur les gars à la mitrailleuse. Il y a des provocations en permanence", raconte Tchekh.

La rivière Severski Donets sépare les positions ukrainiennes dans le village de Lobatcheve de celles rebelles prorusses à Jovte.

De nombreux civils, souhaitant retirer leurs retraites côté ukrainien ou bien acheter des produits, des médicaments, traversent la rivière en barque, moyennant une modeste somme.

"Le conducteur de la barque nous prend 5 hryvnias (17 centimes d'euros) pour la traversée", raconte Valentina Pavlovna, 60 ans.

Le trajet dure seulement quelques minutes mais reste assez rudimentaire sur cette petite embarcation ne pouvant contenir que quelques passagers. Le conducteur tire en effet la petite barque via une corde reliant les deux rives opposées.

"Les deux parties nous laissent passer car nous allons chercher notre retraite. (...) Personne ne craint ni ces militaires, ni les autres. Pour nous, ce sont tous des gars normaux", ajoute-t-elle.

"Avant la guerre, il y a avait un ferry et un pont piéton pour traverser la rivière, mais le pont a été détruit par les combattants et le ferry a été coulé", regrette la vieille dame, vêtue d'une robe à fleurs, qui effectue la traversée tous les mois pour récupérer sa retraite.

Depuis le début du conflit entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses, qui a fait plus de 9.400 morts en un peu plus de deux ans, des postes de contrôle ont été mis en place en différents points de la région afin de permettre le passage d'une zone à l'autre.

Néanmoins, ces points de passage sont peu nombreux et les files d'attente s'étalent sur des kilomètres et peuvent durer des jours.

C'est pourquoi, Valentina et ses proches ont décidé d'emprunter le chemin illégal mais plus court qu'est la rivière.>- 30 traversées par jour -

Quelque 500 personnes font l'aller-retour tous les mois pour aller chercher leur retraite. Mais des adultes effectuent également la traversée quotidiennement pour aller travailler et des enfants pour aller étudier.

"Nous laissons tout le monde passer, on vérifie juste leurs papiers. Pour nous, cette traversée est légale, mais les Ukrainiens interdisent parfois le passage", raconte Alexandre, un rebelle prorusse, portant un couvre-chef cosaque. "Environ 30 personnes font chaque jour la traversée", précise-t-il.

Il laisse alors passer deux écolières, vivant côté ukrainien mais étudiant côté rebelle.

Les soldats ukrainiens n'ont pas contrôlé leurs papiers, mais officiellement ce point de passage reste bien illégal.

"C'est un point de passage illégal. Nous attrapons souvent des contrebandiers, qui transportent des marchandises sur les barques. Peut-être que des militaires laissent passer des civils mais ce n'est pas officiel", déclare à l'AFP le porte-parole des gardes-frontières de la région de Lougansk, Rouslan Grekh. Il ajoute que les gardes-frontières organisent régulièrement des raids sur la rivière pour neutraliser la contrebande.

Valentina Pavlovna craint dès lors, qu'un jour, la traversée ne soit définitivement interdite.

"Je n'aurais plus de retraite. Je comprends que c'est la guerre mais la guerre ne nourrit pas les vieux", déplore-t-elle.

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