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Des armes à la politique: un long chemin pour les Farc en Colombie

Si la guérilla colombienne des Farc a fini cette semaine de déposer les armes, il lui reste encore un long chemin pour devenir une véritable force politique dans un pays qui la regarde encore avec méfiance.

Après avoir conclu officiellement leur désarmement mardi, "la meilleure nouvelle en 50 ans" pour la Colombie selon le président Juan Manuel Santos, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) ont désormais pour objectif de créer un parti politique, bien loin de l'insurrection armée qu'elles avaient lancée en 1964.

"Le plus grand défi est que ce parti politique qui naîtra soit accueilli par les autres partis, qu'ils aient envie de nouer des alliances avec lui, de former des coalitions", explique à l'AFP l'analyste politique Angelika Rettberg. "Mais un défi encore plus grand est de parvenir à ce que les gens veuillent voter pour lui", ajoute-t-elle.

Car, comme le rappelle cette professeure de l'Université des Andes, "il y a une très mauvaise opinion des Farc et de leur héritage historique, et convaincre les Colombiens qu'ils ont réalisé une transition, non seulement dans leur actions mais aussi dans leur compréhension de la relation Etat-citoyens, sera un défi important des prochaines années".

Selon un sondage Gallup effectué en mai, les Farc recueillaient encore 82% d'opinions défavorables dans le pays et 65% estimaient que la guérilla "ne respecterait pas" l'accord de paix historique signé en novembre dernier.

L'importance de créer un parti solide est claire pour la plupart des 7.000 membres des Farc, regroupés dans 26 points du pays pour préparer leur retour à la vie civile.

Dans l'une de ces zones de rassemblement, à Colinas (sud), un guérillero lisait il y a quelques jours, à la lumière d'une bougie, le programme du congrès prévu en août et devant donner naissance au parti. "Il faut beaucoup étudier pour savoir comment exercer la politique", confiait-il.

- "Nouvelle dynamique politique" -

La "lutte contre la corruption" et pour que "la violence se termine" feront partie des mots d'ordre de ce parti, a indiqué à l'AFP, Mauricio Jaramillo, l'un des plus hauts dirigeants du mouvement.

Pour le professeur Alvaro Villarraga, dans leur transition, les Farc "passent non seulement de la guerre à la paix, mais aussi à une vision plus ouverte, plus tolérante, pour laquelle ils ont eu un apprentissage intensif pendant les négociations" de paix menées à Cuba pendant quatre ans.

Mais cela "entre en tension avec un deuxième élément : la conception marxiste-léniniste qu'ils ont et les pratiques politiques de la clandestinité", observe M. Villarraga, directeur du Centre de la mémoire historique.

Il se veut toutefois optimiste : en adoucissant certaines de leurs postures, les anciens guérilleros, qui ont un minimum de dix sièges assurés au Congrès des députés selon l'accord de paix, peuvent "créer une nouvelle dynamique politique en Colombie et surtout à gauche".

Cette désormais ex-guérilla, née d'une rébellion paysanne, aura aussi la lourde tâche de convaincre l'électorat urbain. Pour cela, il lui faudra critiquer le système sans appeler à la révolution, tout en affichant des revendications "plus faciles à partager par le citoyen moyen", comme l'amélioration de l'éducation ou des salaires, ajoute cet expert.

Restera aussi un vrai défi pour les anciens combattants des Farc : que leur sécurité soit garantie. Difficile d'oublier qu'à la fin des années 1980, avaient été assassinés quelque 3.000 militants de l'Union patriotique (UP), leur vitrine politique issue d'une précédente tentative de paix.

Le chef suprême des Farc, Rodrigo Londoño, alias "Timochenko", a rappelé mardi que le gouvernement doit appliquer "le système intégral de sécurité pour l'exercice de la politique" promis aux anciens guérilleros.

En plus d'un demi-siècle, le complexe conflit armé colombien a impliqué une trentaine de guérillas, des milices paramilitaires d'extrême droite, officiellement démobilisées depuis 2006, et les forces de l'ordre, faisant au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 7,1 millions de déplacés.

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