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Strauss-Kahn, un homme aux vies multiples

Côté face, un économiste brillant, courtisé, qui a eu l’Élysée à portée de main. Côté pile des ambitions réduites à néant par des scandales sexuels: Dominique Strauss-Kahn, qui comparaît lundi à Lille dans une affaire de proxénétisme, est un homme complexe aux vies multiples et chaotiques.

Enseignant, économiste, ministre, directeur général du Fonds monétaire international, conférencier, avocat, banquier d'affaires... DSK est un touche à tout doué, un brin dilettante, aimant l'argent, ce qui lui valut quelques revers, et un homme capable de rebondir alors qu'il est au plus bas.

Mais son plus grand adversaire, c'est lui-même, son goût extrême pour les femmes, son besoin de séduire, qui le conduira à sa perte. En mai 2011, c'est le coup de tonnerre: arrestation, menottes, prison... Une femme de chambre du Sofitel de New York, Nafissatou Diallo, l'accuse de viol. Dès lors, l'ambition politique du patron du FMI, favori dans les sondages pour la présidentielle de 2012, est anéantie à tout jamais. L'affaire s'achève par un accord financier confidentiel avec son accusatrice.

Ses premiers démêlés liés à son comportement avec les femmes remontent à la fin 2008, quand une ancienne membre du FMI, Piroska Nagy, affirme qu'il l'a poursuivie de ses assiduités. DSK présente publiquement ses excuses à son épouse et au personnel de l'institution pour avoir fait "une erreur de jugement" en ayant eu cette liaison. Au même moment, en France, une jeune journaliste, Tristane Banon, l'accuse d'une tentative de viol qui serait intervenue en 2003, mais ne dépose pas plainte. Elle le fera l'été 2011. La plainte est classée sans suite quelques mois plus tard.


Saga familiale complexe

Ce polyglotte anglais-allemand (il avait une nounou allemande), né à Neuilly-sur-Seine, le 25 avril 1949, grandit à Agadir au Maroc qu'il quitte en 1960 après le tremblement de terre qui a anéanti cette ville. Son attachement au Maroc, où il possède une villa, à Marrakech, ne se démentira jamais. Il a toujours assuré, en riant, ne pas vouloir choisir entre "le couscous et le strudel" en référence à ses origines juives séfarades et ashkénazes.

L'homme est complexe, tout comme l'est sa saga familiale. Son patronyme Strauss-Kahn vient de la double ascendance de son père Gilbert, qui avait deux pères, l'un naturel, Gaston Strauss, et l'autre adoptif, Marius Kahn. Gaston et Marius ont aimé la même femme, la grand mère de Dominique Strauss-Kahn, comme le révèlera son biographe, Michel Taubmann, dans "le roman vrai de DSK".

Doté d'une mémoire phénoménale, il collectionne les diplômes (HEC, Sciences po, doctorat es sciences économiques..), mais échoue à l'ENA. Quand il adhère au PS en 1976, il a 27 ans, est marié déjà depuis près de dix ans avec Hélène avec qui il aura trois enfants. Prof d'économie à Nancy puis Paris, le jeune espoir du PS arbore à cette époque une barbe fournie et d'épaisses lunettes d'écailles qui achèvent de lui manger le visage.

A la fin des années 80, changement de vie. Il se remarie, change d'apparence - il coupe sa barbe, enlève ses lunettes - et gravit rapidement les échelons du parti où son analyse économique séduit. Pédagogue, il est capable d'expliquer la crise avec des mots simples. "Il a une capacité de conviction. Doté d'un réel charisme, il prend plaisir à la discussion dialectique", relate un proche. Il a "la puissance et la rapidité d'un ordinateur", ajoute un autre.


Le roi de Bercy

Élu pour la première fois député en 1986 (Haute-Savoie), il choisit comme fief le Val d'Oise qui le réélira plusieurs fois à l'Assemblée nationale. Il sera maire de Sarcelles de 1995 à 1997. Les 35 heures du programme législatif de Lionel Jospin, en 1997, c'est lui. Ce marqueur pour la gauche sera mis en œuvre par Martine Aubry. Lui règne alors sur Bercy.

Eternel sourire aux lèvres, ce séducteur aux cheveux grisonnants, à la stature massive et légèrement voûtée, est à son apogée. Avec Anne Sinclair, journaliste star de la télévision qu'il a épousée en troisième noce en 1991, il forme un couple riche, puissant et influent.

Mais DSK est contraint à la démission en novembre 1999, après une mise en cause dans des affaires d'emplois fictifs pour lesquelles il sera lavé de tout soupçon deux ans plus tard. A cette époque, certains socialistes, notamment Ségolène Royal, prennent leurs distances, l'estimant trop sulfureux. L'ex ministre devient avocat d'affaires mais continue à cultiver son courant politique. Parmi ses proches, Jean-Marie Le Guen, Pierre Moscovici, Gilles Finkelstein, Ramzi Kiroun et sa communicante Anne Hommel, qui lui sont toujours restés fidèles. Il défend le "socialisme du réel" dans plusieurs ouvrages comme "La flamme ou la cendre" (2002) et prône la "social-démocratie".

Après l'échec à la présidentielle de Jospin, en 2002, il pense à l'étape suivante: l’Élysée, en 2007. Mais, le surdoué est balayé, lors de la primaire PS, par Ségolène Royal, qui échoue face à l'UMP Nicolas Sarkozy. Il garde toutefois en vue la conquête l’Élysée et entend s'y préparer très en amont.

Nommé à la tête du FMI fin 2007 avec le soutien du président français, DSK gère la crise des subprimes de 2008, se bâtit une stature internationale et devient l'un des hommes les plus puissants au monde. Ses partisans le présentent comme "le médecin de l'économie mondiale", ses détracteurs comme "l'affameur de la planète".

Depuis 2012, DSK s'est séparé d'Anne Sinclair et a refait sa vie avec Myriam L'Aouffir, née au Maroc. Il s'est lancé, avec succès, dans le conseil international et les conférences. Mais sa tentative de devenir un banquier d'affaires avec LSK, un fonds spéculatif, a viré au fiasco total à la fin de l'année dernière.

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