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Equateur: clôture de campagne d'une présidentielle incertaine

Les candidats à la présidentielle de dimanche en Equateur ont clôturé la campagne d'un second tour serré, entre la continuité socialiste de Lenin Moreno et le virage à droite de Guillermo Lasso, qui agite le spectre de la crise vénézuélienne.

Ce scrutin est le plus disputé depuis l'arrivée au pouvoir il y a dix ans du président sortant Rafael Correa, 53 ans, réélu deux fois dès le premier tour. Et il scelle la fin de l'ère de ce charismatique mais polémique chef d'Etat, champion d'un "Socialisme du XXIe siècle".

"Le 2 avril, nous n'avons que deux options: voter pour le +continuisme+ ou voter pour le changement", a lancé Guillermo Lasso, 61 ans, rejetant "la dictature d'un parti politique", lors de son dernier meeting à Guayaquil, capitale économique du pays sur la côte pacifique (ouest).

L'ex-banquier et candidat du mouvement Créant des opportunités (Creo, "Je crée/Je crois" en espagnol) a dénoncé ce "qui vient de se passer au Venezuela, un coup d'Etat", en référence à la décision de la Cour suprême de s'octroyer les pouvoirs du Parlement.

A Quito, l'ancien vice-président Lenin Moreno, 64 ans, a axé son discours contre la corruption, promettant "une chirurgie radicale aux corrompus de ce gouvernement", "aux corrompus d'hier et de maintenant".

- Changement et changements -

Il a accusé "la candidat banquier" de s'être enrichi pendant la grave crise financière de 1999, affirmant qu'il était "passé d'un million à 30 millions de dollars" et a réitéré sa volonté de changements pour relancer l'économie en crise.

"Nous allons vers un changement oui, mais un changement vers le positif, pas vers le négatif, pas vers le passé", avait assuré la veille à l'AFP M. Moreno, en tête du premier tour le 19 février avec 39,36% des voix et qui a adapté le credo cher à son adversaire.

M. Lasso, classé second avec 28,09%, promet de créer un million d'emplois et de supprimer des impôts pour relancer l'économie dollarisée de ce pays pétrolier, affectée par la chute des cours du brut et la hausse du billet vert.

Les candidats sont au coude à coude avant ce scrutin crucial pour une gauche latino-américaine affaiblie par les victoires conservatrices en Argentine, au Brésil et au Pérou.

En dépend aussi le sort de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks réfugié à l'ambassade équatorienne de Londres et dont M. Lasso entend réviser l'asile.

Si M. Correa a modernisé le pays, il se voit reprocher d'avoir gaspillé la manne pétrolière et des cas de corruption pesant sur d'anciens collaborateurs.

Jugé plus conciliant, M. Moreno bénéficie de la puissance de mobilisation de leur mouvement Alliance Pais (AP - Patria Altiva i Soberana: Patrie altière et souveraine - l'acronyme jouant sur le mot "pais", pays en espagnol).

- L'impact de la crise -

Lors des législatives du 19 février, AP a perdu sa majorité des deux-tiers, conservant toutefois la majorité absolue à l'Assemblée. Et elle a le soutien des classes populaires, qui ont le plus bénéficié des programmes de la "Révolution citoyenne" corréiste.

Outre la grande bourgeoisie, M. Lasso attire les classes moyennes, affectées par la crise et lasses de la confrontation du chef de l'Etat avec les milieux d'affaires, les médias et les Etats-Unis, entre autres.

Les sondages, interdits de diffusion en Equateur depuis le 22 mars, placent Lenin Moreno en tête avec 4 à 14 points d'avance. Des analystes avertissent cependant que l'écart se réduit.

"Des enquêtes qui ne sont pas publiques (...) font état d'un nul technique à quasiment 50/50, mais avec une légère tendance en faveur de Lasso qui pourrait aller en augmentant", a déclaré à l'AFP Santiago Basabe, politologue de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso).

Katherine Ortiz, 25 ans, employée, est indécise: "Nous ne savons qui croire. On nous dit que si nous continuons avec (le socialisme de) Correa, nous allons devenir vénézuéliens, et que si nous changeons pour Lasso, ce sera l'Argentine".

De son côté, Freddy Perez, 41 ans, responsable de ressources humaines, votera "pour l'opposition" car c'est "sain de changer au bout de dix ans".

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