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Erdogan célèbre sa victoire étriquée: il pourrait lancer un nouveau référendum sur l'adhésion de la Turquie à l'UE

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a tancé lundi les observateurs étrangers qui ont mis en doute l'équité du référendum sur ses pouvoirs, en célébrant sa victoire étriquée avec des milliers de partisans dans son palais à Ankara.

Avant son discours au palais, M. Erdogan s'est offert une parade triomphale dans les rues de la capitale à son retour d'Istanbul. Accueilli par une foule de partisans devant l'aéroport Esenboga, M. Erdogan s'est dirigé en cortège vers le palais présidentiel sous les vivats de supporters massés le long des routes.


"Nous ne tenons pas compte de tout rapport que vous pourriez préparer"

Au lendemain du référendum remporté d'une courte tête par M. Erdogan et contesté par l'opposition, une mission commune d'observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe a estimé que la campagne s'était déroulée dans des conditions inéquitables et que le scrutin n'avait pas été "à la hauteur des critères" européens.

"Ils préparent un rapport à leur goût. (...) Déjà, restez à votre place!", a lancé M. Erdogan dans un discours au palais devant des milliers de sympathisants. "Nous ne voyons et nous ne tenons pas compte de tout rapport que vous pourriez préparer", a-t-il ajouté. Le chef de la diplomatie turque a pour sa part jugé les conclusions des observateurs "biaisées" et "inacceptables".


L'opposition dénonce des "manipulations"

Les deux principaux partis de l'opposition turque, le CHP (social-démocrate) et le HDP (prokurde), sont allés plus loin et ont dénoncé des "manipulations" pendant le scrutin, annonçant leur intention de demander le recomptage des voix.

En cause, la décision du Haut-Conseil électoral (YSK), de considérer comme valides les bulletins non marqués du sceau officiel des autorités électorales. L'opposition y a vu une manoeuvre rendant possibles des fraudes. "Des modifications tardives dans la procédure de comptage (des voix) ont supprimé un important garde-fou" contre les fraudes, selon le rapport des observateurs.


Un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne?

M. Erdogan a aussi adopté un ton ferme à l'égard l'Union européenne, évoquant l'organisation d'un référendum pour décider de poursuivre ou non les négociations d'adhésion de la Turquie au groupement. "Ils nous font attendre à la porte de l'Union européenne depuis 54 ans, n'est-ce pas ? (...) Nous pourrons aller au-devant de notre peuple, et nous obéirons à sa décision", a-t-il lancé, sans avancer de date pour une éventuelle initiative de ce type.

Les relations entre Ankara et l'UE se sont fortement tendues ces derniers mois, le président turc accusant certains dirigeants européens d'avoir recours à des "pratiques nazies" après l'annulation de meetings pro-Erdogan, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. "L'Union européenne menace de geler les négociations. A vrai dire, ce n'est pas très important pour nous. Qu'ils nous communiquent leur décision!", a ajouté M. Erdogan.

Il a aussi répété qu'il approuverait le rétablissement de la peine de mort en cas de vote en ce sens au parlement, faute de quoi un référendum sur la question serait organisé. Paris a averti lundi qu'une telle mesure provoquerait une "rupture" avec l'Europe.


"Il risque de mettre les bouchées doubles sur sa ligne très dure"

Avec sa victoire au référendum, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet 2016, pourrait en théorie rester à la tête de l'Etat jusqu'en 2029. Il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d'être élu président.

Faisant fi des contestations de l'opposition, le parti au pouvoir (AKP) a d'ores et déjà annoncé qu'il proposerait fin avril à M. Erdogan de retrouver sa place dans ses rangs, premier point de la réforme -il ne pouvait jusqu'alors pas rejoindre un parti-, dont la plupart des volets entreront en vigueur après les élections présidentielle et législatives de 2019.

Le Conseil national de sécurité turc, dirigé par le président Recep Tayyip Erdogan, s'est prononcé lundi pour une nouvelle prolongation de trois mois de l'état d'urgence en vigueur depuis le putsch avorté de juillet, a rapporté la chaîne de télévision NTV. "Je ne pense pas qu'Erdogan va s'écarter de l'approche musclée de la politique qu'il a adoptée jusqu'à présent", estime Fadi Hakura, du centre de réflexion londonien Chatham House. "Il risque de mettre les bouchées doubles sur sa ligne très dure".

Murat Yetkin, rédacteur en chef du quotidien anglophone Hurriyet Daily News souligne pour sa part qu'"Erdogan est un politicien suffisamment expérimenté pour savoir que cette victoire étriquée ne l'autorisera pas à agir aussi librement qu'il le pourrait avec une marge plus importante".

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