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Jihad et baignades: l'été cannois des accusés de la filière Cannes-Torcy

Le chef était "pressé de mourir", les frères allaient se baigner, le repérage de "cibles" débutait: Jérémy Bailly, numéro 2 de la filière jihadiste de Cannes-Torcy, a décrit lundi devant les assises le séjour "fondateur" du groupe à Cannes en juillet 2012, deux mois avant l'attentat de Sarcelles.

En l'absence de Jérémie Louis-Sidney alias Anas, le chef généralement présenté comme "fanatique" et "ultraviolent" tué lors de son interpellation, la parole de son "bras droit" est précieuse.

Chignon haut perché et voix éraillée, Jérémy Bailly s'est prêté de bonne grâce à l'interrogatoire du président Philippe Roux, qui cherche à établir la réalité d'une "association de malfaiteurs à visée terroriste" permettant de relier les vingt hommes - dont trois en fuite - jugés par sa cour d'assises spéciale depuis le 20 avril.

Ils risquent pour la plupart entre 20 ans de réclusion criminelle et la perpétuité, pour leur participation à un attentat contre une épicerie casher de Sarcelles le 19 septembre 2012, des projets d'attaque ou des départs en Syrie.

"Le voyage dans le Sud, à la base, c'était pour aller voir les gorges du Verdon", commence Bailly, 29 ans, invité à raconter ce séjour, "fondateur" selon les enquêteurs, qui fédère le groupe autour des deux Jérémie.

Bailly a emprunté un camping-car et embarqué ses copains de Torcy, parmi lesquels les accusés Alix Seng, Elvin Bokamba-Yamgouma et Malik N'Gatte. Ils arrivent le 1er juillet à Cannes, où ils retrouvent Louis-Sidney, Victor Guevara, Michaël Amselem, Jamel Bouteraa, Maher Oujani et quelques autres. Certains restent seulement quelques jours, Bailly y passera deux mois.

- 'Une bonne balle dans la tête' -

Le président liste les appels téléphoniques permettant de localiser les différents accusés près de la mosquée de Cannes -où ils avaient garé le camping-car-, au bord de la rivière Siagne -où ils se baignaient de temps en temps-, ou sur une route menant à Canjuers, le plus grand camp militaire d'Europe dans l'arrière-pays.

Jérémy Bailly confirme. A l'exception de sa participation à l'attentat de Sarcelles, il a déjà reconnu tous les faits. Il donne cette fois des détails, explique comment les choses se sont enchaînées à mesure que grandissait "la paranoïa d'Anas".

- "Il était pressé de mourir. La vie pour lui était une +fitna+, une tentation, surtout à Cannes avec toutes ces femmes", rapporte-t-il.

- "Il voulait mourir en faisant une action?" demande le président.

- "Forcément! Comme il disait: une bonne balle dans la tête."

Bailly confirme que son chef "en avait après les militaires, les juifs", que le groupe effectuait des "repérages".

L'avocat général relève qu'"on est très proche de la démarche de Mohamed Merah", le jihadiste toulousain qui a tué quelques mois plus tôt des militaires et des enfants juifs dans une école.

Bailly acquiesce, "sauf pour les enfants". S'il "partageait" alors "la vision du jihad" d'Anas, il supportait de plus en plus mal "la pression" de son chef.

"Je dormais très peu, Anas était de plus en plus instable. Il avait peur de se faire repérer. Faut dire, sur son visage, il (avait l'air) suspect", dit-il.

Bailly raconte être allé avec son chef acheter une arme à Marseille, avoir volé des cartouches et acheté du salpêtre -potentiellement explosif- comme le fera aussi Michaël Amselem.

Mais le temps passant, il préfère agir seul, de nuit: il détaille comment, début septembre, il est ressorti d'une villa avec une 206 dont il avait "trouvé les clés sur une table", puis d'une résidence où il vole une Alpha Roméo qui allait servir à l'attentat de Sarcelles.

Il dédouane certains de ses co-accusés, comme Bokamba qu'il décrit comme "dormant tout le temps" et hostile à Anas.

Pourquoi n'être pas passé à l'acte dès cet été 2012 contre des militaires? "A cause d'Anas", qui avait "peur d'être repéré" après le vol des voitures, répond Bailly. Mais l'objectif n'avait pas changé: "Le jihad, c'était sa spécialité."

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